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Ce billet est dans le cycle « La Psychanalyse du Clavier ». Cliquez ici pour lire l'intro et les autres billets publiés.

Mais d'où vient cette aberration ? Du temps passé depuis que Christopher Latham Sholes conçu le premier clavier mécanique. En fait, cette histoire de “ralentir la vitesse de frappe” est une légende urbaine. La raison est une coquille dans la petite Histoire : en Anglais (tout comme en Français), de nombreux phonèmes sont constitués de lettres successives (comme dans “priest”). Quand l'inventeur de la machine a écrire sorti ses premiers prototypes , le clavier était dans l'ordre alphabétique, ABCDEF (wi ! wi ! le même ordre que dans la Dictée Magique™). Les marteaux étaient situés sous la machine, et la mécanique de frappe très simplifiée ne comportait aucun ressort ou contrepoids, le marteau d'une lettre redescendait en position initiale par simple gravité, le temps qu'il redescende était largement plus long que de monter (surtout avec une frappe bien franche, volontaire, allegro). Il y avait donc de fortes probabilités que des touches trop adjacentes aient les lames qui se croisent. D'où un enrayement de la mécanique. C'est pour ça que l'ordre alphabétique fut éclaté pour diminuer statistiquement (empiriquement) la probabilité de touches adjacentes.

Avec la commercialisation de la première machine à écrire en 1874 fut créé la disposition QWERTY des lettres de l'alphabet sur le clavier (ainsi que la rangée haute des chiffres).
C'était ça ou assurer le S.A.V. dans les mœurs de la région, c'est-à-dire le Colt sur la tempe et la corde au coup…

Malgré cette prévoyance, si vous vous êtes amusés avec une machine à écrire à lames, cet incident de “bourrage” a dû vous arriver. Personnellement, j'en ai eu des centaines. Et à vouloir tenter d'apprendre à taper sans regarder ni le clavier, ni le papier, ben les lames formaient des nœuds pas jolis à voir. Donc, oui, cette disposition avait un intérêt plus que manifeste, il était carrément vital pour l'engin mécanique. Si en plus vous aviez une machine carrément plus vieille, comme une superbe Underwood No. 5 (circa 1930), vous n'aviez même pas de touche 1 ! J'en sais quelque chose, j'ai fait mes gammes dessus. Malgré tout, ma maman faisait sur cette vénérable machine de 60 ans du courrier commercial. Sans souci puisque les feuilles format A4 n'ont toujours pas disparu, et les rubans encrés à guides en pentagramme sont encore fabriqués. Un bonheur comme engin, avec toute la mécanique apparente, une parfaite leçon de choses.

Mais ce qui est fou, c'est que le bourrage en question était surtout présent dans la toute première version de machines à écrire Remington Sholes, celles dont la frappe se faisait par en-dessous. C'est quand même dingue qu'on aie gardé plus d'un siècle cette frappe contre-productive qui n'était utile que pendant quelques mois pour des bétas, prototypes commercialisés à 300 exemplaires à tout casser…

Pendant ce temps là, des industriels qui n'en sont pas à une contradiction près vendent à côté de leurs matériel des leçons de frappe rapide.

La disposition idéale de vos doigts sur les touches pour… quoi déjà ? (source obligement.free.fr)
(rires enregistrés)

Mais le clavier AZERTY, il vient d'où, lui ?

Vous vous souveniez des télés en 819 lignes ? Du SECAM ? Des feux avant jaunes des bagnoles ? La radio numérique en T-DMB ? Ben c'est pareil, une fois de plus en France, on a voulu faire les malins, avec un “standard” bien à nous. Une fois de plus, il est sorti de la cuisse de Jupiter à SuperDupont.

Mais en informatique, la correspondance entre le code (scancode ou position géométrique) de chaque touche et sa lettre ne correspond qu'indirectement à son indication sérigraphiée. Le système d'exploitation transforme le scancode en lettre par un logiciel interne appelé driver qui fait la correspondance avec la keymap (la cartographie du clavier, pour ceux qui ne lisent que la langue de l'IGN). Et ce logiciel est tellement intime avec le système qu'il est au cœur même de son noyau (on dit kernel) et qu'il est configuré par défaut pour un clavier américain standard QWERTY. Lequel est remplacé pendant le démarrage par un autre driver hors kernel, celui qui fait que la touche A écrit bien “A” sur l'écran et non “Q” et que la touche M corresponde bien à la lettre et pas à la ponctuation “;”. Subtilité de placement que le Taïwanais Asus ne s'est pas embarrassé sur son ultra-portable EEE, d'où l'étroitesse de la touche M francisée malgré la largeur de son glyphe.

Une fois confronté à une procédure de démarrage incomplète, on s'aperçoit que tous les systèmes informatiques sont américano-centrés. Cela relevait de la torture sur MS-DOS d'avoir à écrire KEYB.EXE FR,,033,C:\DOS\KEYBOARD.SYS afin de retrouver son clavier francocoricardier “normal”…

Résultat, à l'heure de la vente par Internet et de la livraison en 48 heures à travers le monde, ben on a l'air bien cons. Les Allemands peuvent arrêter de pouffer avec leur QWERTZ (à ce sujet, les Allemands de l'Est, avaient-ils aussi un clavier Américain bâtardisé ?).

Je les alignerai comme je veux !

Le moindre crétin est capable de réaliser qu'il utilise plus simplement le pavé num que le pavé alpha. Seule sa connerie l'empêche de réaliser que ça ne tient pas au nombre des touches mais à leur ALIGNEMENT. Si le pavé alpha n'était pas en vrac mais aligné comme le pavé num [NdÉ : et comme sur la Dictée Magique™ ?], on s'en servirait aussi vite que du pavé num.
Malheureusement même Apple n'ose pas franchir le pas. Restent quelques machins exotiques exagérément limités.

Vric, power-user Mac

Réorganiser les lettres comme on veut, on le pouvait avec le mythique Model M d'IBM (qui aura droit à un article à sa gloire).
Heureusement, Vric, ça tombe bien que tu sois bricoleur, je t'ai trouvé l'Hacoa, un clavier en kit en véritable bois d'arbre que tu peux configurer comme tu le souhaites. Bonne chance pour concevoir ton keymap.

Revenons à notre contradiction et posons-nous la question inverse : Si on est capable de ralentir volontairement la vitesse de frappe, existe-t-il une disposition qui l'accélère ?
Oui : y'a DVORAK (mais rien que pour vous faire saliver, et aller à l'article suivant parce que sinon, ça fait un peu long)