Post-Scriptum : Très amusant à voir, mais vous êtes TRÈS nombreux à venir avec des requêtes google du type « touche insert mac », montrant un intérêt très fort à son absence sur les claviers Apple. Donc, pour votre information, sachez que celle-ci peut être accessible soit par Help, soit par F14 (parfois une des deux en combinaison avec ⇧Shift) ou encore, en émulation MS-Windows Fn+↵Return

Ce qui signifie ceci : cette touche est très utilisée en dehors du monde des programmeurs : avec Microsoft Office (on s'en doutait), mais aussi avec... Maya ! D'autres exemples ? N'hésitez pas à signaler votre cas ou vos découvertes dans les commentaires.

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Ce billet est dans le cycle « La Psychanalyse du Clavier ». Cliquez ici pour lire l'intro et les autres billets publiés.

Après avoir malmené ➀Num.Lock et son pavé numérique, laissons un peu les chiffres se reposer, et intéressons-nous à ce mini-pavé de touches fonctionnelles au-dessus des flèches apparu sur les claviers étendus. Plus exactement sur une des spécificités propres qui caractérise la supériorité d'un traitement de texte sur une machine à écrire.

La touche Insert est une des grandes améliorations apportées par la saisie de texte informatique dans l'histoire de l'écriture. L'édition permet donc d'insérer du texte en plein milieu d'un texte déjà saisi. Et il le permet de deux manières possibles : Soit par l'insertion, soit par recouvrement (overwrite en anglishe). Du temps des batteuses à papier qu'on appelle “machine à écrire” (les modèles traditionnels, je parle pas des bâtardes à mémoire et afficheur), ce n'était même pas envisageable, et la solution au stylo ou tipp-ex™ n'était jamais franchement très élégante. Quand on devait revenir sur son texte d'une manière propre, il fallait le ré-écrire complètement. Combien de moines bénédictins ou de rédacteurs sur tablettes en marbre doivent envier notre époque. Comme disait Aaron à Moïse : « au prix du papyrus... »
L'inventeur de la touche Insert mérite le Nobel d'écologie et d'être embrassé sur la bouche par Al Gore (euh non, Nicolas Hulot, c'est moins sexy et plus drôle).

Les modes insertions/recouvrement sont quotidiennement utilisés dans tout ce qui concerne la saisie au clavier : L'édition d'un texte, l'entrée de données tabulées, de commande en ligne, de code,… Ces modes sont carrément indissociables de l'interface homme/machine, car tout le monde s'en sert d'une manière consciente ou non. Et la touche Insert est désormais présente sur (pratiquement) tous les claviers.

Historiquement, les tout premiers terminaux textes à écran ne connaissaient que le mode recouvrement. C'est le plus vieux existant car le plus facile à programmer dans leurs processeurs rustiques : Tu remplaces le contenu de la cellule ligne 6 colonne 18 par la lettre “B”, et tu passes à la colonne 19.
Certains fabricants de terminaux proposèrent à leurs clients une combo de touche “insertion” qui, on est encore dans la préhistoire du traitement de texte, insérait un espace sous le curseur, décalant le texte de la ligne courante vers la droite. Puis la fonction bascule insertion a été ajoutée dans les micro-programmes des terminaux (les machins comme le VT102 ou encore le Minitel) dans une fonction incomplète : Tout texte situé à la même position que le curseur clignotant n'est plus recouvert, mais décalé vers la droite de l'écran. Le caractère dans la dernière colonne ne passait pas à la ligne suivante mais était perdu. Il fallait aussi que le logiciel serveur comprenne et pilote le terminal pour que ça marche. Cette bascule était en général commandée par l'utilisateur via une combo de la touche ^Ctrl (ce qui était loin d'être standardisé) et par l'ordinateur serveur via une séquence (en général propriétaire, elle n'a jamais été définie dans la norme ANSI).

Une insertion difficile

9-Insertpad__wikipedia_.png Apparue sur les PC, intégrée dans le pavé numérique, dans la touche 0 Ins, elle obtint sa place propre dans les claviers étendus AT. Mais il a fallut attendre les environnements graphiques pour avoir une représentation visuelle du mode d'édition : Une barre pour l'insertion |, un bloc pour le recouvrement . Auparavant, dans les logiciels qui géraient ces deux modes, il fallait taper pour savoir si on était en recouvrement ou en insertion avec un curseur soulignant_. Ce qui était en général affiché dans une ligne dévouée aux indications de l'éditeur (numéro de ligne, taille du fichier, nom du document dans le format 8.3). Effectivement, dans les modes textes des PC, le curseur était un bloc horizontal de la largeur d'un caractère, positionné sur le prochain caractère à se faire recouvrir. On pouvait imposer la taille verticale de ce bloc (sa ligne de départ et sa hauteur, interruption 10h fonction 1 du BIOS pour les vétérans), mais les variables changeaient suivant les cartes et les modes vidéos... eh oui, dans “PC” y'a “Compatible”... pas pratique.

Avec l'arrivée des GUI, le mode d'écriture par défaut est devenu le mode insertion. La touche Insert était inexistante sur Mac (elle apparaîtra sérigraphiée Help Ins sur certains claviers étendus, et bougera pas mal), ni même présente sur le clavier de l'Amiga (sérigraphiée sur la tranche du zéro numérique 0 Ins, alors que l'Amiga n'a jamais eu de bascule ➀Num.Lock !).

Faux ami

Cette touche n'est qu'une bête touche fonctionnelle. Elle n'a pas de symbole dédié, ni de diode LED, et est gérée logiciellement par l'applicatif (et non par le système d'exploitation). Pourtant, c'est une touche bascule, celle des modes Insérer/Recouvrir. Utilisée dans de très nombreuses interfaces, mais hélas, trop peu signalée. Sinon, noyée dans le flot de la status-bar des suites Office (parfois en doublons inutiles comme ⇪Caps.Lock et ➀Num.Lock dans Excel, comme on a vu dans le chapitre précédent) qui elles sont nettement plus visibles sur tous les claviers, ou encore dans l'affichage du curseur qui peut prêter à confusion suivant les contextes. Sur un “l” ou en fin de ligne dans un texte à pas variable, il n'est pas rare que le bloc du mode recouvrir ressemble au curseur barre du mode insertion. Ou encore, passer d'une fenêtre à l'autre fait souvent perdre la position actuelle de cette bascule. L'application B ne sait pas que pendant que le focus est sur A, l'utilisateur est passé du mode insertion à recouvrement.

L'éditeur texte d'Open Office, en mode d'insertion. Notez l'indicateur.
9-Editeur-Insertion.png
Et en mode Recouvrir à la FraPpe (→ « RFP », CQFD)
9-Editeur-Recouvrement.png

Encore plus troublant (tiens, je me Lakavise dans mon texte), un symbole Unicode a été réservé : ⎀ (code U+2380, département Symboles Mathématiques, bureau des Techniques diverses, à la dénomination officielle explicite : « Insertion symbol »).

9-Unicode-insert.png
U+2380, ici en photo avec quelques collègues de bureau comme les symboles soulignement continu (U+2381), soulignement discontinu (U+2382) et clignotement (U+2383) représentées avec la très complète police DejaVu (que j'utilise pour écrire).

Jamais vu de touche marquée ⎀Insert.

Alors qu'en faire ?

Supprimer les touches dont on ne comprend pas l'usage en les regardant.

Vric, testeur Microsoft Office sur Mac.

Tiens, marrant… tu réfléchis comme Microsoft et Logitech :
9-logitech-dinovo-edge-detail.jpg Il se trouve que la touche Insert a été relocalisée sur les claviers “modernes” de ces constructeurs (combinée avec ⇳Scr.Lock), donnant une double hauteur à la touche ⌦Del car cette touche trouble trop les novices. (les vrais power-users Microsoft Office utilisent une macro). Eh ben vous savez quoi ? Le minipavé des touches fonctionnelles ( Insert , ⌦Del , ↸Begin , ↘End , ⇞PageUp et ⇟PageDn ), construit de manière empirique à l'arrivée des claviers AT étendus, était loin d'être maladroit. En fait, j'ai jamais pu saquer ces “nouveaux” claviers et je suis loin d'être le seul. Ça mérite un chapitre entier.

À moins que tu n'as jamais essayé la combo ⌈ ⇧Shift+Insert ⌋ qui équivaut au coller de ⌈ ^Ctrl+V ⌋. (pardon, ⌈ ⌘Cmd+V ⌋ sur tes Macs). Nettement plus simple à retenir.

Ou alors, je suis trop conservateur pour m'apercevoir que je me sers rarement de cette touche.

Dans le prochain épisode : On va te majusculer l'accent. Té !