Imaginez que Joe Dante, au lieu de faire de New-York le terrain de jeu de ses Gremlins (dans le second film), en aie fait la zone d'affrontement de sa « Seconde Guerre Civile ». Laissez macérer pendant 5 ans, et vous aurez un nouveau Sarajevo, vingt ans après le drame de la Yougoslavie.

Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 9 Juin 2007.

Depuis 5 ans, les États-Unis se déchirent entre les USA et les FSA. 300 000 habitants survivent dans un Manhattan en plein chaos, entre deux camps. Coup de chance, pour la première fois un cessez-le-feu semble tenir. Liberty News, chaîne émettant du côté USA de New-York en profite pour envoyer son reporter vedette en exclusivité mondiale. Un vrai, un pro, un prix Pulitzer.
Recruté comme photographe stagiaire quelques minutes avant d'embarquer, Matthew Roth va être l'unique survivant d'un atterrissage sous le feu de snipers. Échappant par chance au massacre, récupérant par hasard le matériel vidéo, il devient de facto l'unique journaliste pouvant émettre des reportages depuis Manhattan. Il découvre vite que ceux qui y vivent ne sont pas des combattants, mais des gens qui n'ont pu fuir. N'ayant eu le choix des évènements et subissant la violence quotidiennement, toute cette population a dû s'adapter comme elle a pu à ces conditions extrêmes, piégée en pleine zone de combat.

Matt découvre qu'au départ il était parti pour une opération de propagande, ce que l'on peut considérer comme un acte de guerre psychologique, mais à défaut d'être embedded, il va gagner son indépendance de point de vue au lieu d'avoir une probable sécurité. Quand il va découvrir ce que le camp des supposés gentils appelle “sécuriser”, il va comprendre très vite qu'aucune guerre ne peut se targuer d'être chirurgicale. À la fois perdant ses préjugés, et apportant un regard neuf, Matt va devenir un reporter sans camp réel.
Une indépendance qui se paie au prix fort puisqu'il va partager la vie de ces citoyens de la guerre, de ceux qui s'improvisent infirmiers, ou gardiens de zoo. Coincé dans la DMZ, “Zone démilitarisée” mon œil...

Ce récit prend les tripes. Une grande nation qui tombe en lambeaux, les restes d'une armée qui tirent sur des civils en camouflant ça en “franc-tireurs hostiles”. Là où Frank Miller faisait évoluer sa Martha Washington dans une guerre SF kitsch, Brian Wood montre crûment les horreurs de la guerre : des viscères éclatés, des projections de sang, et surtout le plaisir sadique de tuer. Parce que la guerre, c'est le moment où les meurtriers en série sont tolérés dans les rues.

« DMZ » offre un récit d'anticipation qui retourne les tripes. Graphiquement, Brian Wood s'est associé avec l'Italien Riccardo Burchielli qui n'hésite pas à montrer un New-York en ruines. Un hommage vibrant au journalisme de guerre, le vrai, pas celui qui est embarqué dans les unités militaires, mais qui risque sa vie pour rendre compte des drames humains. Un pamphlet qui devrait aider certains à mieux réfléchir sur la notion de “caution morale de la planète”.
C'est encore plus ironique quand on sait que tous les grands journaux tv américains su soir finissent par un plan de Broadway, où sont leurs studios. Et que la grande presse Américaine, inventrice du standard d'indépendance et de qualité (on ne peut leur retirer ça) se fait rouler dans la farine depuis le début de ce millénaire.

Saluons, malgré des fautes de frappes, l'effort de traduction sur les graffitis.
Pour en savoir plus sur le métier de journaliste : Reporters Sans Frontières