Lors d'une récente commande, je devisais avec le client sur la pauvreté et la banalité commune de nos jurons lâchées devant un problème technique. Il était vrai que nous étions atteint du syndrome de Tourrette par difficulté technique, et que nous avions le langage de charretiers, voir d'un automobiliste, offrant un spectacle affligeant de banalité. Bref, il devenait urgent de se montrer différent dans nos conversations téléphoniques dans la manière d'insulter une difficulté.

Étant par ailleurs chroniqueur BD, il était évident que je devais me pencher sur les expressions vernaculaires employées par nos héros de papier afin d'enrichir mon vocabulaire à l'usage des conversations professionnellement buguées.

J'ai évidemment écartées tous les onomatopées graphiques genre «  », difficilement transcriptible dans le feu de la conversation, autrement que par le code point Unicode s'il existe, sans compter les caractères Chinois des dessinateurs Franco-Belges, bien souvent recopiés de leur fiole d'encre-de-Chine (eh oui !) ou du menu du restaurant.

Pour des raisons là aussi évidentes, je ne me pencherais pas sur le riche vocabulaire du Capitaine Haddock (au moins 220 manières différentes de maudire). La raison est double :

  1. Albert Algoud l'a déjà traité dans son excellent « Petit Haddock Illustré ». La structure du livre est déjà en soit un modèle, mais l'ouvrage lui-même est épuisé, et pour cause :
  2. Moulinsart S.A., gestionnaire des droits d'Hergé interdit la moindre exploitation dérivée même universitaire de son œuvre (je me souviens encore du choc de ce communiqué). C'est de son fait que cet excellent livre d'Albert Algoud est introuvable. L'auteur s'en était justement moqué quand il a traité des Dupondt.
Heureusement, il y a suffisamment d'exemples linguistiques pour la Jeunesse dans mes rayonnages. À noter que les super-héros de comics ne jurent jamais, et que je n'ai pas d'exemple en mémoire de grossièretés originales en manga. Néanmoins, les deux éditeurs de manhua du marché ont le chic de traduire les savoureux jurons Chinois.

Blood & guts
Expr. ang.
Littéralement traduisible par « du sang et des tripes ». On imagine que dans l'univers du Far-West, la blessure la plus détestable qu'on puisse recevoir d'un Six-Coup est dans le bas-ventre : terriblement douloureuse et pas forcément mortelle.
Issu de la série « Blueberry » éditée chez Dargaud, Jean-Michel Charlier s'est offert une fantaisie scénaristique, puisque ce juron n'a jamais existé. Mais reste plausible.
(The) Devil
n.c. masc. sing.
Littéralement traduisible par « Le Démon ! ». S'emploi à l'encontre d'une personne physique particulière, par exemple M. Olrik, de la Compta.
Employé indifféremment par « Blake & Mortimer » (B&M éditions), à noter que pour d'autres usages existent « Hell ! » Ou « Heavens ! »
Gottferdom
interj.
Sujet à gros troll.
Selon Wikipédia, très proche d'une expression Alsacienne signifiant « Que Dieu me damne » .
À noter que ce nom désigne aussi civilement le studio de production du scénariste Christian Arleston, qui produit les séries issues de l'univers de « Lanfeust de Troy » (chez Soleil). Peut-être une manière de motiver ses dessinateurs par l'insulte.
Heavens
n.c. masc. plur.
Littéralement traduisible par « Par les Cieux ! ». De par sa prononciation, il démontre plus une mauvaise surprise, tellement estomaquante que non seulement elle fait perdre son Britannique flegme mais qu'elle fait mettre le Paradis au pluriel.
Employé indifféremment par Blake ou Mortimer, à noter que pour d'autres usages existent The Devil ! Ou Hell !
Hell
n.c. masc. sing.
Littéralement traduisible par « Par l'Enfer ! ». On note que contrairement au Paradis, l'Enfer est singulier. À noter que si les héros jurent en V.O., Olrik s'exclamera « Enfer et Damnation ! », les deux combinés semblant plus terrifiant pour l'âme noire.
Employé indifféremment par Blake ou Mortimer, à noter que pour d'autres usages existent The Devil ! Ou Heavens !
Léporides laineux
n.c. masc. plur.
Les leporidæ sont une famille de mammifères lagomorphes, en Français “Léporidés”, donc avec un accent à la fin. Le “léporide” est donc un membre de cette famille de la classification de Linée, où on y compte les lapins et les lièvres. Peut-être s'agit-il du Bélier Anglais, espèce en voie de disparition.
Issue d'une blonde, « Little Annie Fanny » publiée dans Playboy, l'expression a tout son charme. Créée par Harvey Kurtzman et Will Elder, les fondateurs de Mad Magazine et géniteur de Alfred E. Neumann dans les années de la révolution sexuelle, c'est encore plus drôle. Disponible aux éditions Hors-Collection, bande de vicieux.
Proukrâm
Interj.
Souvent lâchée dans un moment d'énervement par Nävis, il à parier que sa signification est purement personnelle : élevée par un robot-nounou sans jamais avoir connu d'autre humains, Nävis s'est sûrement forgée un gros-mot par instinct, puisqu'elle l'employait déjà avant son adolescence.
L'origine soupçonnée de la signification est à demander à Jean-David Morvan, scénariste et créateur de l'univers « Sillage », disponible chez Delcourt.
Rogntudjû
Interj.
À rapprocher de « Nandidjouss », laissant entrevoir une expression particulièrement offensante pour la religion.
Expression favorite du facilement survoltable Prunelle et bien souvent à l'encontre de « Gaston » dans les couloirs des éditions Dupuis. On imagine que Franquin a tenté de transcrire vaguement une insulte du Wallon vers le Français.

Ceci n'est qu'une première fournée un petit peu rapide afin de mieux étendre votre vocabulaire. Vous pouvez passez vos coups de fils maintenant.