Supplément Week-End, le magazine des cultures geeks Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 7 Mai 2011.

Y'a des hasards dans la vie, des hasards qui font “bien” les choses. Figurez-vous que la semaine dernière, à la livraison du Jeudi, les libraires ont reçu dans leurs cartons cet album, le tome 2 d'une saga qui raconte les “préparatifs” des attentats du 11 Septembre 2001. Et le Lundi suivant, l'homme qu'on soupçonnait être derrière, et qui le revendiquait ouvertement depuis 10 ans, est abattu suite à une opération commando dans sa grotte Afghane enfin localisée. Pardon, on me signale qu'il était dans une villa assez cossue d'un coin très chic du Pakistan, tellement chic que tous les ministres y ont aussi leur villa et que l'académie militaire était à 300m de ses fenêtres blindées...

Reprenons.
Ou plutôt, parlons donc de cette série qui raconte Al-Qaeda d'un attentat contre le World Trade Center à un autre. Le 26 février 1993, l'explosion dans les sous-sols de la tour Nord d'un camion bourré de 680kg d'explosif agricole fait 6 morts. Mais son instigateur, Ramzi Yousef comptait faire s'effondrer le gratte-ciel. C'est le même Yousef qui aurait indiqué le lieu de villégiature au Pakistan où... mais ça c'est 15 ans après. Reprenons plutôt notre chronique.

L'album s'ouvre sur la bataille de Modagiscio, grand fiasco de l'opération Restore Hope en Somalie. La mort des marines Américains est félicitée, donc indirectement revendiquée, par Ousama Ben Laden. À l'époque, le fils du multi-millardaire et co-actionnaire du groupe industriel Ben Laden est en rupture avec sa famille, qu'il considère comme corrompus par l'argent.
Il s'est donc réfugié au Soudan, où il gère plusieurs entreprises : des fermes agricoles expérimentales à des centres d'entraînement et d'endoctrinement terroriste ; il s'occupe aussi personnelement de la complète éducation de ses enfants : lecture du Coran, prédications envers l'Occident impie et conduite automobile.

Un des personnages clés de cette histoire, c'est le financier qui gère sur les places internationales la fortune d'Ousama Ben Laden, et qui fait aussi le lien avec le reste de la famille, et surtout la famille royale de l'Arabie Saoudite.

Pendant ce temps-là, le FBI qui est chargée de l'enquête sur l'attentat de 1993, s'étonne du manque d'informations de la part de la CIA. Du coup, l'agence d'investigation commence à enquêter elle aussi sur Ben Laden. Faut dire que dans les années 1980s, il a été bien utile pour aider à équiper et à entraîner les Moudjahidines Afghans contre les Soviétiques, on comprend que les collègues barbouzes, euh... C'est juste qu'ils avaient pas prévu qu'après, il allait s'attaquer aux États-Unis...

Jean-Claude Bartoll, avant d'être scénariste BD, est surtout un journaliste d'investigation qui n'hésite pas à aborder des thèmes d'actualité dans des séries, comme le monopole du commerce de certaines pierres précieuses avec « Diamants », ou encore la réelle raison de la bataille de territoires au Proche-Orient, à savoir le contrôle de l'eau dans « T.N.O. ». Des séries qui étaient correctes sur le plan documentaire mais pêchaient sur les personnages. D'où le renfort d'Éric Corbeyran, qui lui, est un routard de la BD, sait donner une épaisseur à un protagoniste et écrire une scène d'action.

Sauf que voilà, c'est le dessinateur qui est catastrophique.
Suivant l'angle et le cadre, la barbe de Ben Laden n'est jamais de la même longueur. Et puis les véhicules, décors, sont des photos décalquées. Oui, tout-a-fait. Et tout d'un coup, on ne voit que les défauts : Des téléphones du type StarTac en 1994 alors qu'il ne sortira que deux ans après, et qu'à l'époque, la téléphonie mobile, c'était des engins gros comme une brique de lait, utilisables que dans certaines villes. Des avions aux couleurs d'Air France alors qu'il est censé être d'une compagnie Nord Américaine, des modèles d'ordinateurs et des OS qui ne sortiront que 10 ans plus tard... C'est une catastrophe.
On perd totalement l'immersion, la crédibilité, on ne voit plus que tous les défauts, et on oublie le fantastique polar.

Alors on referme la couverture. Et là, ce qui saute aux yeux, ce sont toutes les erreurs de perspective, de point de fuite, de dimension, et on oublie l'essentiel : « Le Projet Bojinka » qui donne son titre à cet album, il consistait à détourner des avions de ligne pour les faire s'écraser sur des bâtiments, dont le siège de la CIA.