Je me suis gavé tout cet été. J'ai pas arrêté. Boulimique insatiable. Toutes les rediffs estivaux que j'ai pu, les bests ofs... je les ai guettés sur mon EPG. C'est début Octobre que « Game Zone » fait sa rentrée, le talk-show phare et bi-quotidien de Game One. Je sais, écrire ça va vexer tout rouge un excellent copain ('lo Cricri) qui fait aussi une émission sur les jeux vidéos, mais je crois qu'il me comprendra. Quand je préparais mon émission tv, j'ai dû y tomber une/deux fois lors d'un zapping enfiévré, mais je ne m'étais pas arrêté dessus. Puis une année de blanc tv, faute de réception... et j'ai reçu ma Freebox. J'ai re-goûté à cette chaîne improprement étiquetée “jeunesse”. Non, elle est faussement destinée à un public ado... et j'aime bien la regarder.

Pourtant, cela fait près de deux ans que ma PS2 ne sert qu'à lire des DVD. Les rares jeux que je possède ne sont pratiquement pas sortis de leurs boîtiers depuis. Non pas parce que j'ai un certain âge ou que j'ai moins de temps... mais je suis moins addict. Ça m'a passé, comme les jeux de rôles et les wargames sur plateau. Alors pourquoi regarder régulièrement une émission qui parle de l'actualité du jeu vidéo, dans ce cas ?

D'abord, il y a le public de Game One. Son équipe rédactionnelle a parfaitement compris que les joueurs de jeux vidéos ne sont pas forcément des ados pré-pubères, mais atteignent parfois les 35 ans. Il est très agréable de ne pas être pris pour un attardé mental (même pour un geek assumé). Les deux premières saisons de « Game Zone » eurent pourtant le malheur (du peu que j'ai vu) d'osciller entre un mauvais remake de « Friends », ou un esprit ado trop décalé même pour les animateurs, le tir a été parfaitement corrigé pour la suite. Cela a permis d'introduire un réel vocabulaire critique plutôt que le jargon gamerz. On oublie le discours commercial P.R.
L'autre clin d'œil au public, c'est le couple de présentateurs autour duquel s'articule les animateurs : Un garçon (Julien), une fille (Julie). Primo parce la mixité est toujours bienvenue en média vivant : une voix féminine en radio qui fait la contrepartie d'un homme amène une balance agréable à l'oreille, un couple en plateau TV à qui chacun peut s'identifier ou développer une certaine empathie, s'adresse à une audience élargie. Secundo parce qu'il y a des gameuses aussi dans le public, et qu'elles en ont plus à montrer sur les jeux machos. Tertio parce que les jeux apparenté à un public féminin sont souvent plus rigolos et inventifs que ceux plus bourrins que l'ont réserve aux garçons.

Il y a aussi une certaine indépendance, rarissime et précieuse dans la presse officiant sur cette industrie du divertissement. Après la disparition du magazine Tilt, il était pénible de lire un Génération 4 dont aucune notation tombait sous les 60%. Pourtant de nombreux jeux qui sortaient étaient absolument pitoyables. Si Hebdogiciel avait passé la fin des années 1980s, ceux-ci auraient été allègrement massacrés. La rédaction de Game One démonte régulièrement des titres. Une critique n'est pas forcément positive, un journaliste ne force pas le trait pour les beaux yeux des attachées de presse ou pour la campagne de pub qui nourrit son support. À son lancement, cette chaîne avait été lancée par Infogrammes, elle est désormais sous le giron de MTV Europe Networks.

Il y a enfin l'ambiance d'une bande de copains. La réelle chaleur sur le plateau, qui fait passer le côté sérieux et qui donne envie de les retrouver, tout comme un groupe d'amis. Si vous écoutez « Supplément Week-End » (ici ou sur <FMR>), si vous êtes des lève-tôt de la télévision qui regardez « Télématin », vous aurez remarqué ce qui donne la touche conviviale à ces programmes : Le chambrage en parfaite camaraderie, en direct-live. Vas-y que je t'envoie une pique en direct, que je mette une précision, ou que je construise un point de vue contradictoire mais pas gratuit. Même si votre papier est parfaitement documenté, rédigé, répété à fond, c'est comme ça qu'on donne une dynamique à une émission présentée en groupe : en déconnant autour sans que cela remplace votre info. Ça donne aussi parfois des sketches assez improbable, jouant sur les hôtesses des salons spécialisés, sous les commentaires scandalisés des présentatrices. Ça tourte même avec les autres émissions de la même chaîne (notamment « Level One », autre programme étonnant). Le public, même passif, est invité dans ce jeu, dans cette complicité.
Cela n'a rien d'un show centré autour d'une personne qui se met en valeur par ses sbires et invités (genre Ruquier, Ardisson, ou Fogiel), on sent que chacun a une passion forte et a profondément préparé son papier. D'ailleurs chaque chroniqueur a une spécialité, ce qui permet de donner à chacun un rôle, voire un commentaire assez technique.

Soirée de nouvelle saison. Du peu que j'ai choppé de retour chez moi, c'est que l'émission est désormais filmé en cadre large. Rien d'étonnant : les formats HD ont explosé sur les chaînes tv américaines et japonaises et dans les foyers, l'arrivée est prévue en France courant 2006 (en format MPEG4), et les trois consoles qui sortent cette saison (PSP, XBox 360 et PS3) vont privilégier le format 16/9. Pas un format recadré et étiré comme NRJ12, mais une véritable résolution native, parfois double de nos vénérables standards européens.
C'est évident, ils nous préparent à ce que notre console de jeu va devenir : Un système home-cinéma.
La suite n'étant hélas pas sur le plateau habituel, cette semaine étant consacrée au TGS, difficile de se faire un avis, mais j'ai hâte de voir les évolutions sur le concept. Des rediffs nocturnes seraient bienvenues.

Pour terminer, j'aimerais partager un souvenir de ma période coordinateur d'antenne à Radio <FMR>, ma première découverte de cette chaîne. Cela devait être en 1998, un après-midi qui annonçait l'automne, j'étais chez Le Lutin qui était déjà le DJ star de la scène Jungle/Drum'n'Bass. On contemplait la cascade d'évènements live dans laquelle nous serions chacun baignés. Sa télé était branchée sur sa table de mix, qui donnait sur les JBL de son salon. Game One passait des clips, démos de jeux avec dessus une musique pas forcément mainstream. Pour ses compositions, il cherchait un générateur de basses assez chaleureux. Je lui “prêtais” mon Amiga 1200, ordi qui avait des sorties Cinch et au son caractéristique, digne d'un synthé analogique. Nous discutions des morceaux qui arrivaient à la fois à distiller un esprit planant sur une forte rythmique dancefloor.
Game One passa le morceau auquel nous pensions dans l'instant : Alex Reece, « Feel the sunshine », premier single de son album « So far ». Le Lutin saute du canapé, allume ses Technics, pose un disque, cale son tempo sur la télé. 14h30, deuxième vinyl sous le diamant. Je me prends une claque comme jamais. Il entamait une session rare pour un après-midi : niveau sonore soutenable, composition qui ne soit pas que rythmique, délicatesse dans une programmation à la palette riche... Peut-être la fatigue, mais j'étais ailleurs, et j'ai rarement ré-entendu ça en D'n'B. 22h, faders à zéro, temps de rejoindre les bars en ville.
Éteindre la télé, c'est bien aussi.

Bon, les gosses, je vais me pieuter, alors fini le bruit là-haut.