Un film de Spike Lee, avec Denzel Washington, Clive Owen, Jodie Foster, Willem Dafoe, Christopher Plummer.

Un cambrioleur émérite réussit le casse parfait dans une banque, prend en otage les clients, et parvient à s'échapper lui et son équipe, au nez et à la barbe d'un flic frimeur et élégant, mais complètement dépassé. Jusque là, rien de nouveau, sauf que la banque n'a pas été choisie au hasard, qu'une mystérieuse businesswoman veut récupérer quelque chose dans le coffre, et que c'est filmé par Spike Lee.

Oh non ! Encore un énième film de braquage. Et bien non. Dés la première image, les comédiens s'amusent. Un bras de fer plus joyeux qu'autre chose se met en place. Tout d'abord, Dalton Russell (Clive Owen) introduit le film, satisfait de son coup parfait. La scène où lui et ses hommes débutent la prise d'otage est tournée comme une comédie. Les clients de la banque sont tous assez singuliers et on s'attache à eux (ils sont casse-pieds, rigolos, agacés...) et on devine qu'on va prendre un certain plaisir à observer ce petit monde pris dans les rouages du braquage de banque. Ici, point de salary man perdant son sang-froid, pas de lâche antipathique, ni de femme enceinte qu'il faut à tout prix faire sortir, personnages habituels de ce genre de films. Ici, la tension n'est pas provoquée par un monsieur-tout le monde qui devient un héros, d'un braqueur qui craque, ou du flic rock'n roll qui démantèle le gang à lui tout seul. Non, l'excitation première est associée à la jubilation d'assister à un braquage d'horloger (réglé par les protagonistes) et mis en scène par un réalisateur qui s'amuse (qui a dit « Ocean's Eleven » ?)

Dans le camp d'en face, et dés les premières images du film, les flics sont présentés comme des dindons. Des flash-forwards nous ramènent sans cesse à l'après-casse. Les interrogatoires montrent les policiers tentant de démasquer désespérément les braqueurs parmi les otages sortis indemnes de la prise d'otages. On assiste alors à des scènes très drôles, où l'inspecteur Frazier (Denzel Washington) demande, hilare, à une grand-mère, si elle n'aurait pas cambriolé la banque.

Ces moments de comédie constituent indiscutablement les meilleurs moments du film, Spike Lee prenant visiblement plaisir à jouer avec les codes des films de prise d'otages. Ainsi, au lieu de se focaliser sur un huis-clos mille fois traité, il élargit au maximum la panorama de l'affaire et s'attarde exceptionnellement sur des détails seulement évoqués dans d'autres films Par exemple, la caméra prend le temps de montrer les diverses procédures de la police pour démarrer les négociations : du premier flic alerté par les ravisseurs eux-mêmes, à ses collègues déroulant les bandes jaunes pour établir le périmètre de sécurité, en passant par la nomination de l'inspecteur qui se voit tout heureux d'être en charge des négociations, ce sont autant de codes avec lesquels joue Lee, qui semble nous dire : « Ok. Nous connaissons tous le déroulement de ce genre de films. Et si on dépoussiérait tous ces petits passages obligés en nous amusant ? »

Surtout que nous ne somme pas au bout de nos surprises. Frazier semble plus préoccupé sa soirée coquine avec sa petite amie, que par l'affaire qui nous concerne, le chef des braqueurs n'a rien d'intimidant, et se déplace comme un félin, tranquille spectateur de son propre plan. Celui-ci va d'ailleurs jouer le rôle du coquin, obligeant notamment les flics à éprouver toutes les peines du monde pour se procurer un interprète dans la foule d'énergumènes encerclant le périmètre.

Cette première partie du film convainc sans mal. Il n'en est pas de même de la deuxième. Celle qui montre que les braqueurs n'ont pas choisi cette banque par hasard. C'est le passage où le personnage de Jodie Foster intervient, mandatée par Arthur Case (Christopher Plummer), richissime homme d'affaire, pour récupérer dans le butin un objet très important qui pourrait bien anéantir tout son empire. La tension baisse d'un cran et on assiste dés lors à un film plus convenu : le braqueur a des motivations précises et le flic n'est pas le benêt qu'on pensait. Mais même si la fraicheur abandonne à ce stade, c'est une Amérique post-11 septembre qui est dépeinte ici. Le film est un melting pot, met en scène des communautés différentes et montre la façon dont celles-ci sont perçues, à la lumière du braquage (les amalgames, les cohabitations entre religions, entre cultures).

Au final, Spike Lee nous sert un film déséquilibré et léger, mais divertissant, frais, extrêmement joueur, et brillamment mis en scène ; la définition parfaite d'un bon film de genre, quoi...