Je connais deux films qui sentent : « Le festin chinois » de Tsui Hark et « Une affaire de goût » de Bernard Rapp. Deux films où les mots et les mets mettent l'eau à la bouche.

Le dernier s'ouvre sur une brigade d'un grand restaurant qui s'escrime pour sa prestigieuse clientèle. Dès le générique, on sait que ce film est un amalgame très fin de différents ingrédients, comme toute Grande Cuisine. L'alchimie d'un cadre d'une délicatesse feutrée, des décors superbes, des dialogues parfaitement calibrés, la partition de l'orchestre de chambre à la clarinette et au basson bien tempérés...

Mais c'est l'ambiguïté subtile des relations entre les personnages qui priment avant tout. Les incessants aller-retours dans la temporalité de l'histoire instillent un plus grand trouble chez le spectateur. Les acteurs forment le point noble du film. Quelque chose qui a été malheureusement oubliée dans cette industrie, à de trop rares exceptions.

Un proverbe veut qu'on creuse sa tombe à coup de fourchette, ce drame se noue par l'étrange relation entre deux hommes, une relation bouffante, dévorante et jamais clairement établie. Une personne lambda, Nicolas Rivière (Jean-Pierre Lorit), serveur intérimaire, est engagée par l'homme d'affaire Frédéric Delamont (Bernard Giraudeau) comme goûteur particulier. Comme ceux qui accompagnait les dirigeant d'ancien régimes à l'époque où le poison coulait aussi facilement que le sang après un coup de poignard.

Le businessman souffre de certaines phobies et allergies alimentaires... ce qui justifierait la présence d'un goûteur dans ses multiples repas d'affaires. Le problème, c'est que le goûteur devient intime du capitaine d'industrie, qui l'entretient un peu comme une danseuse et en fait un peu sa chose. Non, pas vraiment le « Jouet » comme Pierre Richard, c'est nettement plus respectueux entre les deux. Mais trop proche pour que ce travail ne détruise pas la personnalité de Nicolas, dont la vie va devenir complètement régentée par son employeur si particulier. Ce n'est pas un hasard si Monsieur Delamont a pris un homme physiquement proche, malgré leur différence d'âge...

La suite ne se raconte pas, elle se savoure. La pointe d'acidité cache des saveurs lentes et subtiles. La conclusion arrive, inéluctable. Il y aura-t-il une faute de goût dans le choix du couvert ?

Une note personnelle sur Bernard Rapp

Bernard Rapp n'a pas une carrière facile à résumer. Je ne peux que donner ma perception.

Il y avait d'abord la belle tenue de son journal télévisé, disparu depuis des écrans Français. Il y eu aussi son excellente série « Un siècle d'écrivains » qui me faisait veiller tard à zapper plein de soirées et de concerts en ville quand le magnétoscope est tombé en panne. Mais il y a surtout son « Assiette Anglaise ». LE bonheur des samedi midi en quittant le lycée. Son émission, avec « Bad news travel fast » (FMR) et « Caramel mou » (Radio Campus Toulouse) sont mes inspirations pour occuper la tranche horaire qui m'est concédée, celle du samedi midi.
Une ambiance de club anglais, hélas un peu “men only”, mais d'une excellente tenue intellectuelle et assez malicieuse. L'envie de s'asseoir dans un profond fauteuil en cuir avec un bon livre pour y passer l'après-midi, avec un brandy et quelques after-eight. Exactement le genre de talk-show passionné mais pas si rasoir qui nous manque tant actuellement. Intello mais pas pédant, et toujours avec une pointe de malice dans le sourire.

Le film était programmé hier soir par France 2 dans le cadre d'un hommage au journaliste-réalisateur disparu.

Une note personnelle toute technologique

La télé est remisée pendant les travaux dans le salon, donc j'ai testé pour vous le multiposte tv chez Free (malgré un souci avec shorewall) : C'est pratique de la regarder sur son ordi avec un bon écran. Mais sous Linux en mode productivité intensive (8 écran virtuels et 19 applications en cours), c'est dur de rester en plein écran, sans bouger.

Sauf assis dans un fauteuil très confortable, avec un spiritueux à portée de main...