Ecouter aussi les émissions « Supplément Week-end » du samedi 7 janvier 2006 et du samedi 5 août 2006.
Un film d'Andrew Niccol, avec Nicolas Cage, Jared Leto, Ian Holm, Ethan Hawke. Disponible en dvd chez M6 Vidéo.
Yuri Orlov, trafiquant d'armes, mène plutôt bien ses affaires avec les dictateurs Africains, s'empare d'un stock d'armes inutilisées en Ukraine à la fin de la Guerre froide, et fait preuve d'une inventivité diabolique quand il s'agit d'échapper à l'agent d'Interpol Jack Valentine. Mais il doit également constamment cacher ses véritables activités à sa femme et ses parents.
Ce film du surdoué Néo-zellandais Andrew Niccol (réalisateur de « Bienvenue à Gattaca », « S1m0ne », et scénariste de « Truman show ») se situe dans la lignée des épopées modernes flamboyantes dont le protagoniste incarne le mal, comme « Scarface », « Nixon », ou « Tueurs nés » (Oliver Stone a d'ailleurs scénarisé le premier et réalisé les deux autres). Orlov est semblable à une épidémie, mais le charme presque naïf et enfantin dont use Nicolas Cage contrebalance cela de façon diabolique. La comparaison entre Orlov et le Tony Montana de « Scarface » mérite d'ailleurs qu'on s'y penche. Les deux personnages sont des ordures qui se sont faits tous seuls, ce sont des immigrés (Cuba vs Ukraine), ils ont un frère d'armes (Mani vs Vitali) très proche qui meurt sous leurs yeux, et ils sont finalement reniés par leurs parents. Ils doivent abattre la vieille garde pour accéder au pouvoir (Robert Loggia vs Ian Holm), mais leur fin sera différente, dans la parfaite logique de leur parcours.
Dans « Lord of war », les répliques qui tuent rythment le film au fil d'un scénario noir basé sur des faits réels, et pourtant parfois très drôle. La voix off d'Orlov est quasiment omniprésente, et son enthousiasme communicatif fait froid dans le dos, ainsi : « l'AK47, aussi appelée "kalachnikov", est le meilleur produit d'exportation russe, devant la vodka et les écrivains suicidaires. Son fonctionnement est d'une simplicité parfaite, telle qu'un enfant pourrait s'en servir ». Le punch du film est implacable, et la mise en scène de Niccol fait écho aux intentions claires derrière les scènes dialogues. Mais c'est surtout lors de scènes muettes que le réalisateur nous assène les plus violents de ses coups : le travail sur la 3D est remarquable car parfaitement invisible, comme cette scène du démantèlement de l'avion Entonov en plein désert Africain, ou ce générique (l'un des meilleurs de ces dix dernières années), plan-séquence de quelques minutes ou l'on est à la place d'une balle, de la chaîne de production jusqu'au crâne d'un enfant soldat.
« Truman Show », « Bienvenue à Gattaca », « Lord of war », encore un cinéaste énorme venu de l'hémisphère Sud. Le seul regret est que la nature "difficile" de ses films ne lui permette pas d'en livrer un plus grand nombre.
(tous les articles ciné et dvd de Thomas Berthelon sont disponibles sur son site).
4 réactions
1 De El Pibe - 12/10/2006, 15:34
je ne l'ai pas encore revu mais je me souviens l'avoir vraiment adoré! J'en avais fait une courte critique
yannick.chiwalou.org/blog...
Sinon je suis pas certain que Cage soit dans le film une incarnation du mal...
2 De Da Scritch - 12/10/2006, 16:41
Si ! si ! Un commercial, c'est forcément le Mal. Le Mal du côté le plus diabolique puisque finalement on l'aime bien.
Pas uniquement dans «Thank you for smoking» ou «Cadillac Man», dans la vraie vie aussi.
Y'a pas plus méchant, ignoble, vil et intéressé qu'un commercial. Sinon un avocat, un inspecteur du fisc et un huissier de justice. Même les dentistes font dans la gnognotte à côté. C'est une bonne idée de costume pour Halloween...
3 De Thomas - 12/10/2006, 17:10
Disons que Orlov incarne le mal car il perd progressivement son humanité en se persuadant qu'il y a pire que lui. Il suffit de revoir la scène finale de l'interrogatoire par Valentine, pour constater que ce n'est plus qu'une loque vide tout juste bonne à propager la mort partout où il passe. Ce qui frappe, c'est l'humanité que Cage insufle à son personnage, qui prend dés le début du film la décision de répandre la mort, plutôt que de bosser dans le restaurant familial. C'est quelqu'un qui aura menti toute sa vie, et pour commencer, à lui-même.
4 De el pibe - 13/10/2006, 17:09
C'est vrai, ce que je voulais dire, c'est que l'incarnation du Mal change de statut quand c'est tout un contexte, tout un processus qui définit ce qui est mal ou bien (ouh la, je suis pas très clair!). Je crois pas que l'on puisse se mentir à soi-même quand on est tant conscient de ce que l'on fait, il me semble juste un personnage cynique, réaliste, dénué de valeurs positivez, ce qui fait justement qu'on le considère comme le mal. Le fait qu'il n'y ait aucune rédemption à la fin me fait penser qu'il est au contraire tout à fait franc avec son propre role dans l'histoire, ce qui le rend du coup encore plus odieux...Enfin, faut que je le revois ; )