Un film d'animation de Michael Arias Produit par le studio 4°C

Les gamins Noir et Blanc, surnommés les Chats, règnent sur les vieux quartiers de la ville de Treasure Town. Noir est violent et indépendant, alors que Blanc est lunaire et a besoin de son frère. Le retour du yakuza Le Rat, accompagné de son lieutenant Kimura, va déséquilibrer le contrôle des quartiers, alors qu'un promoteur veut raser le quartier pour créer un parc d'attraction, et mandate un redoutable tueur sadique et ses sbires pour faire le ménage et exterminer les chats.

Lorsque l'on sait que le réalisateur Michael Arias fut l'assistant de metteurs en scène comme Wes Craven ou James Cameron, on aurait pu penser qu'il se dirigerait tout naturellement vers le nanar de SF, style « Fatal Virus, death impact ». Ensuite, en apprenant qu'il a passé ses dix dernières à Tokyô, à développer des logiciels d'infographie et technologies digitales pour le studio 4°C, on pourrait craindre qu'« Amer béton » ne soit qu'un film d'animation vide de plus, où les effets sont les uniques personnages consistants. Et bien, ce n'est pas le cas. Le bougre a réussi à transposer à l'écran tout le charme du manga de Matsumoto, les conflits et dilemmes de personnages attachants, des deux jeunes héros au yakuza le plus implacable.

La mise en scène sait laisser les personnages vivre. Pas d'effet gratuit, les scènes d'action sont dynamiques mais vont droit à l'essentiel : par exemple, vous ne trouverez pas de personnages en pleine pause de frime, ou de poncifs de looks liés à un genre en particulier. Ce film a son style propre : le design est anguleux, lisse et propre, constitué d'aplats de couleur que certaines ombres au contour flou viennent adoucir. Le style de dessin de Taiyô Matsumoto, trait continu et épais, utilisant des cadrages à l'immense profondeur de champ propre aux films de Hong Kong, et mettant en valeur les richesses d'une urbanité chargée de détails, trouve un écho magnifique auprès d'un Michael Arias soucieux de retranscrire cet univers, sans pour autant livrer un exercice de style vain.

Il suffit, pour se convaincre du contraire, de savourer le final expérimental, mettant en scène le Minotaure. Un exemple de pertinence dans le choix de la technique, un cas d'école à montrer dans les écoles de beaux-arts pour la picturalité de la séquence. Une grosse claque, qui prouve encore l'impressionnante richesse créative des Japonais, après l'introduction monumentale du « Paprika » de Satoshi Kon. Au final, nous avons donc un époustouflant travail d'un authentique artiste, film superbe qui donne envie de (re)découvrir le manga.

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