Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 15 Septembre 2007.

Une demeure complètement isolée au milieu d'un bois de pins, assise sur la rive d'un lac mort. Une maison aux lignes épurées, élancées et droites, immense, dans un style futuriste tels que se l'imaginaient les architectes américains dans les années 1950s. On imagine l'intérieur design, propre, tout intégré avec luxe, donnant l'impression d'un huis-clos au milieu d'une campagne environnante qui semble bien morne.

Cette demeure d'exception est celle de l'éditeur Boris Lentz. Et il y fête ce soir le nouvel opus d'une de ses romancières à succès, un petit bout de femme qui imagine des meurtres particulièrement ignobles. Si seulement ces meurtres n'avaient pas quitté leur support de papier pour faire de vraies victimes... Le tueur Boone commet des actes d'une choquante atrocité dans de grandes villes d'Europe... mais il se rapproche dans une spirale infernale.

Boris, en éditeur avisé, a invité dans sa demeure isolée le tout-Paris des écrivains, des chroniqueurs littéraires, et ce soir tout le monde ne glose que des chiffres de la rentrée littéraire. Qu'est-ce qui fait qu'un bon auteur sinon que les chiffres de ventes et son exposition à la télévision ? Bref, il n'est que vaguement question de belles lettres, et plutôt d'apparence, jusqu'à l'apparition impromptue de l'inspecteur de police Fix, qui souhaite rencontrer le maître des lieux.

La cohue du gratin étant partie, ne restent dans la maison que Boris qui va enfin jouir de quelques jours de liberté, sa femme Alice et son beau-père.
Mais la question est, à vivre dans leur superbe isolement, ne risquent-ils pas d'y rencontrer des gens bien peu fréquentables ? En tout cas, pas du genre à hanter les salons du Faubourg St-Honoré ? Et après tout, la visite peu agréable de l'inspecteur Fix, n'est-elle pas de mauvaise augure quand il annonce qu'il a la certitude que la prochaine victime du tueur Boone sera Alice ?

Artiste complet (il avait improvisé au piano sur le « Cabinet du Docteur Caligari » à la Cinémathèque), une fois de plus il bouscule les linéaires de son œuvre polyforme.
Il y a le graphisme quasi-impressionniste de Frédéric Bézian, il y a aussi un certain goût pour un huis-clos ouvert (« Chien rouge, chien noir » chez P.M.J.) ou pour les grandes maisons où se terrent des dynasties maudites attendant d'être éteintes (« Adam Sarlech » aux Humanos, et ajoutons pour rire les « Donjon Monster » qu'il illustre Les regards de ses protagonistes sont moins torturés que par le passé, mais attention : faux-semblant ! Il y a aussi l'élégance de l'écriture, qui demande à prendre son temps pour y rentrer, et une immense culture qui lui permet de jouer aisément des références, comme justement l'esthétique des années 1950s revisité par Yves Chaland.
Un one-shot dramatique, une ambiance latente, où l'eau qui dort pourrait se muer sous la tempête.

Frédéric Bézian sera en dédicace Vendredi prochain à la librairie Album (Toulouse).