Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 24 Mai 2008.

Spirou a été créé par Rob Vel en 1938. C'est dix ans après que sortent ses albums d'aventures dessinés par Franquin. Mais que lui est-il arrivé entretemps ? C'est un intéressant retour aux origines (dans le comics, on parle de “reboot”) que propose Émile Bravo, le temps d'une histoire complète (dans le comics, on dit “one-shot”)
THOMAS - oui bon ça va
XAVIER - pour le seul personnage franco-belge d'envergure qui appartient plus à son éditeur qu'à ses auteurs (dans le comics, on dit “franchise”).
THOMAS - Euuuh... Si tu aimes être lourd, t'aurais du rajouter que Spirou est contemporain de Superman
XAVIER - (penaud) Oui bon euh pardon

Émile Bravo s'est donc intéressé à ce qu'était le Spirou jeune en 1938 : un groom au Moustic Hotel de Bruxelles. Sous les ordres d'un peu aimable Entresol, qui ressemble graphiquement beaucoup au personnage principal du « Dernier des hommes » (film réalisé par Friedrich-Wilhelm Murnau en 1924), Spirou est encore pétri d'innocence, voire même puceau. Il se débrouille tout seul par nécessité, étant orphelin. Très populaire dans son quartier, c'est lui qui arbitre les matches de foot, car sinon les p'tits gars du quartier en ferait immédiatement une mêlée de boxe.

Bref, Spirou a sa petite vie, des gamins qui lui courent au basques, et un job chichement payé dans un hôtel de luxe. S'il n'y avait l'Allemagne vociférante, et la menaçante Union Soviétique, l'été 1939 serait bien agréable. Et c'est justement en catimini à Bruxelles que se rencontrent des émissaires Polonais et Allemands. On pourrait finalement croire que les prédictions des cassandres après Munich ne sont que des exagérations. La vie continue au Moustic Hotel. Spirou découvre une fort charmante jeune fille de service, et les clients se croisent à la réception. Comme le boxeur Choukroune accompagné de la styliste Delastre, vivant leur idylle en toute discrétion.
Hélas, un tel scoop ne pouvait échapper aux journalistes people les plus collants. Comme Fantasio, spécialiste du potin...

L'adolescent se trouve à la croisée de plusieurs chemins, et doit désormais faire des choix, parfois contradictoires. Laisser son cœur parler, ou sa conscience politique ? Spirou n'est pas né à une époque facile. Et l'Europe qui a connu la violence de la Grande Guerre se sent cerné entre deux fronts, que l'on imagine dès la couverture.

On y trouve les numéros de page cerclés de rond comme dans les vieux albums de « Tintin », que le Spirou espiègle (le coup de pied de la page 11 rappelle immédiatement les gags de cette époque) lit justement dans son Petit Vingtième. Bref cet album s'adresse surtout aux adultes et à ceux qui ont lu et connu les premiers albums, ainsi que celui des personnages d'Hergé (à côté de « Tintin », c'est bien évidemment les contemporains « Quick et Flupke » qui viennent immédiatement à l'esprit). On reconstitue une époque délicieusement surannée, encore innocente... et la fin se laisse imaginer par le lecteur.

C'est le meilleur album de cette série, et le traitement est aussi intéressant que celui en manga (que vous ne verrez jamais) proposé par Jean-David Morvan et Hiroyuki Ooshima.