Dans la lecture de mes flux ce dimanche, c'est Slashdot qui m'a mis une petite larme. La première couleur de ma palette de Proust
De mon premier micro (un Sanyo PHC-25), mes calculatrices programmables, mes mac et mes pc que j'ai possédés, je n'aurais jamais eu la même émotion qu'avec mes Amiga.

Aujourd'hui, ce sont les 25 ans de cette gamme d'ordinateurs mythiques.

À l'époque, l'Apple II régnait encore en maître, l'IBM PC commençait à s'imposer dans les entreprises avec son mode texte et son bipper, et le Mac en monochrome et mono-tâche coûtait littéralement un bras. Arrive des ingénieurs qui ont été ballottés entre Atari et Commodore, partis dans l'idée de concevoir un simulateur d'avion, qui construisent un ordinateur avec des capacités graphiques et musicales hors-normes et un système d'exploitation réellement multi-tâches.

Je ne vais pas revenir sur le lancement avec Andy Warhol, l'arrivée des solutions vidéos professionnelles, des jeux techniquement délirants... Juste que cette plateforme m'a fait découvrir.

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Un Amiga 500, image reprise du site Geekeries

J'avais tenté en parallèle d'apprendre l'assembleur sur PC, le code processeur Intel x86 est une horreur indicible. Sur Amiga, le code Motorola était incroyablement simple, l'adressage des co-processeurs facile et les appels au système d'exploitation d'une facilité biblique. Rappelons qu'à l'époque, en MS-DOS ou Windows, pratiquement tout passait par des interruptions abscondes, la mémoire se géraient de 10 façons différentes contradictoires et impossible de faire tourner plusieurs programmes à la fois, à part avec des bidouilles genre TSR (terminate stay resident).

Quand j'arbore le tee-shirt de l'émission « Temps Réel » de Nolife, c'est que j'étais fier d'avoir réussi à coder cet effet de damier en 3D...
Ça me rappelle aussi une époque où un ordinateur acheté n'est pas censé vous cadenasser, mais où pratiquement tout était documenté. J'en ai vu accélérer leurs Amiga en branchant un oscillateur par la prise vidéo, d'autres brancher des flashs photos professionnels sur la borne RSET (ils appelaient le combo Ctrl+Amiga+Amiga, « nuclear boot ». Sans compter les bidouillages que permettaient la sortie vidéo AGA : on pouvait monter en résolution SVGA, pour le même prix qu'une carte vidéo sur PC.

La sortie son était en Cinch RCA, j'ai utilisé ma machine en studio radio pour lancer des jingles (Front 242 s'en servait pour faire la musique, les vidéos de leurs performances et les pochettes d'albums). Je l'ai vue dans une multitude de régies vidéos. Des graphistes faisaient des merveilles en 2D et 3D avec (souvenez-vous des séries Babylon V, Seaquest, Robocop). Et sans compter des jeux qui étaient littéralement à tomber. Ce serait trop long pour en parler...

La génération Amiga 500 avait tenu à peu près aussi longtemps qu'une génération actuelle de console de jeu : 7 ans. Les générations de développeurs, codeurs, crackers (eh oui), demomakers sont allés pratiquement à la limite du physiquement possible. La démo « State of the art » des Spaceballs tenait en une seule disquette de 800ko :

Voir sur le site youtube
(En vraie, elle pète beaucoup plus que sur cette capture Youtube... La suite, « 9 Fingers », demandera DEUX disquettes)

Ce qui a tué l'Amiga ? Deux choses : L'incapacité de Commodore de prendre de réelles décisions stratégiques (ils ne voulaient ni tuer leur Commodore 64, ni menacer leur division compatibles PC, et ont refusé de subventionner le développement d'une logithèque professionnelle comme une suite Office), mais surtout le piratage, endémique à l'époque.

C'est quand j'ai vu mon ordinateur chéri mourir à cause du piratage forcené, sans aucune possibilité de relance, que j'avais décidé de n'avoir qu'une logithèque légale. À cause de mes moyens, Linux était devenu une solution logique.

Que sont devenus les animateurs de cette scène ? Les développeurs de jeu Team17 (dont Alien Breed vient de connaître une suite), Digital Illusions (devenus DICE), Bitmap Brothers, etc... ont continué sur d'autres plateformes mais délivrés des contraintes de puissance, n'ont jamais réellement brillé à nouveau sur le côté technique.
Comme de nombreux autres, dont moi, Rasterman est passé sous Linux, trop saoulé par l'environnement Microsoft. Ce graphiste a été déçu par les environnements graphiques et a créé le sien, Enlightenment, apprenant à coder à la dure. Il a redéfini des briques basiques de X Window avec brio, et son environnement est utilisé sur Playstation 3, téléphones portables et la FreeboxHD.
Lemon Dezign fit carrière dans le (défunt) Lab de Canal+.
Le MUI (Magic User Interface) qui étendait l'aspect graphique du Workbench, allait inspirer deux groupes de développeurs, ceux des environnements KDE et Gnome, sur l'extensibilité d'une interface graphique.

Quant à mes trois amiga... mon 500 acheté d'occase étendu à 1Mo à été revendu d'occase, mon 1200 avec un disque dur interne (80Mo, impossible à adresser en MS-DOS !) est allé chez Le Lutin (la sortie de basse était plus roots que son synthé) et mon 4030, après avoir été l'outil de mon premier site perso, est mort faute de clavier, il est dans un coin de l'appartement, idole cachée de ma jeunesse de développeur...
Et, non, j'ai pas tenté les incarnations actuelles, car oui, la scène existe encore.

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Un Amiga 1200, monté en puissance et branché en wifi par Frédéric Fons

Pour rendre hommage, je souhaiterais vous faire écouter l'une des plus belles musiques composées sur un Amiga 500 : « Face Another Day » de Jogeir Liljedahl, dans la démo éponyme de Razor 1911. 20 minutes de musique Ambiant, tenant en 428Ko. La machine qui la jouait avait sa RAM de 512Ko complètement saturée... C'est beau, et il donna cette musique gratuitement.
Attention, il vaut peut être mieux l'écouter en mono à cause des limites de l'époque (2 instruments par voie).