Supplément Week-End, le magazine des cultures geeks Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 11 Décembre 2010.

Les Trente Deniers du titre, ce sont ceux pour lequel Judas a vendu Jésus.
La malédiction, c'est celle du livre. René Sterne, dessinateur hyper-talentueux d'« Adler » (chez Le Lombard) décède brutalement pendant la production du premier album. Sa femme, Chantal De Spiegeleer (créatrice de « Malida » avant de se tourner vers les jeux vidéos et la mode), avait repris courageusement la suite de son mari. Mais cela a donné un album très dissymétrique, et surtout trop différent du trait Jacobien. Après tout, « Blake & Mortimer » est une œuvre classique, canonique, qu'un éditeur souhaite étendre tout en gardant son classicisme et ses qualités. Et le lectorat de la série y est très exigeant.

Ce sera donc la surprise du dessinateur engagé sur la deuxième partie : Antoine Aubin, quasiment inconnu et dans le domaine de la bande-dessinée, a surtout travaillé pour Disney.
Et là, surprise : On a un trait impeccable, réellement dans la lignée du maître. Sur les décors, le traitement des personnages, il faut saluer aussi l'encrage d'Étienne Schréder et surtout les couleurs de Laurence Croix qui peint les ciels aux couleurs de Jacobs. Regardez le fond de la couverture, les détails des pierres, les vêtements,... on sent que le moindre détail a été très travaillé, comme pour se faire pardonner du mauvais sort arrivé au précédent album. Comparez la vignette en haut à gauche des deux héros avec celui du tome précédent.

Or toute l'histoire, justement, c'est celle de Judas qui ne s'est pas suicidé comme le raconte ses ex-collègues rédacteurs d'évangiles, mais qui a été condamné à une longue vie pour chercher le Pardon. C'est en Grèce qu'il mourra. Et que la communauté qui l'a accueilli va cacher les 30 maudites pièces de monnaies.

19 siècles plus tard, un ancien nazi est fermement persuadé que ces trente deniers sont une source de pouvoir, le Mal Ultime grâce auxquelles il va pouvoir restaurer le VIème Reich.

Et c'est là que justement pas mal de fans ont tiqués sur le scénario de Jean Van Hamme : Qu'est-ce qu'on avait besoin qu'un méchant soit un nazi ? Après tout, dans « le secret de l'Espadon », c'est en s'opposant à l'ordre mondial imposé par l'empereur Basam Damdu que nous découvrons Francis Blake et Philip Mortimer, et où ils tenteront d'échapper au chef des services spéciaux, le “Colonel” Olrik.

Alors j'ai pu, avec Didier Pasamonik, aller à la soirée de lancement de l'album. C'était chez un concessionnaire de vieilles voitures Anglaises (et on sait bien que les méchants, Olrik en premier, préfèrent les voitures Américaines), dans un cadre très luxueux que Jean Van Hamme nous a confié ce qui le motivait dans cet album : L'hésitation d'Olrik. Que le sinistre individu soit recruté par une âme encore plus noire que lui, et que du coup, il aie ce moment d'hésitation au moment de s'y engager…

C'est un traitement intéressant, sans aller à celui que Jacques Martin a fait d'Axel Borg, la némésis de « Guy Lefranc » ayant dû plusieurs fois faire front commun avec le journaliste. Pour une telle nouveauté dans la mythologie créée par Edgar Pierre Jacobs, il faudrait écrire une nouvelle aventure se déroulant chronologiquement après les albums du maître, donc après les « Trois formules du Professeur Sato ». Mais là, il n'est pas sûr que les fans de la série y fassent le même accueil que pour ces nouveaux albums situés dans les années 1950s. Car « Blake & Mortimer », c'est une série classique, “empoussiérée” comme pourrait dire la jeunesse fan de manga, mais qui cartonne en librairie.
Et faut reconnaître qu'elle garde un sacré style.