Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 14 Septembre 2013.
Si vous aviez craqué pour le premier tome, soyez rassurés, les références à la Marlowe sont toujours là : celles d'un détective qui est un paumé, qui va prendre des affaires un peu trop grosses pour lui.
Sauf qu'ironiquement les affaires trop grosses, ben ce sont souvent des histoires d'adultères, et même pour ça, il est très mauvais. C'est souvent sa collégienne de fille qui va le récupérer après une nuit en garde à vue. Son ex-femme lui rappelle au téléphone combien il n'était pas déjà très futé avant de vouloir devenir détective privé. Sa banque lui rappelle qu'il aura bien du mal à payer soit la pension alimentaire soit son loyer. Et parlons du loyer : il loue l'arrière sale d'un cabinet dentaire. Top crédible devant les prospects.
Le détective Fukamachi est donc bien un loser total, et effectivement, « Les emmerdes, c'est son affaire ». On va même dire que c'est son quotidien. Et si d'aventure, il vaudrait mieux pour lui qu'il aie de quoi répliquer au plomb, il en est réduit à louer à la journée un pistolet et à en payer chaque balle utilisée.
Heureusement, Fukamachi, par le jeu de ses déboires, est arrivé à se faire ami (enfin, si on peut parler d'amis) d'un petit chef de gang yakuza et d'un inspecteur de police. Et évidemment, ceux-ci eux aussi rêvent d'être des seconds rôles dans des intrigues internationales, surtout que des petits truands débarquent d'autres états, qu'ils soient coréens ou hong-kongais. Sauf que ni Fukamachi, ni ses compagnons bras-cassés ne parlent un seul mot d'anglais. On peut pas dire que cela soit vraiment bien parti.
Pas très glorieux, pas du tout glamour.
Le Japon de la fin des années 1970s, ce n'est pas le pays tel qu'il est idéalisé actuellement. Loin de là. C'est un petit archipel qui fait parti du bloc occidental, isolé face à une URSS à l'époque de la Guerre Froide, qui rêve de l'avaler toute crûe, et face à une Chine qui à ce moment-là, est en grande pauvreté et venait de perdre Mao Zedong. La Corée du Sud toute proche est encore la plus grande base militaire Américaine, et la présence de l'ancien occupant est toujours ancrée par de grandes bases.
Le Japon lui-même est en pleine explosion économique, malgré la crise pétrolière : les activités d'investissements économiques à l'étranger, fruit de l'explosion de la révolution électronique des années 1960/70s vont bientôt rapporter. La jeunesse commence à s'émanciper et à réellement s'occidentaliser. Mais il en reste encore un esprit militaire vengeur depuis la défaite face aux Alliés, le mode de pensé féodal s'est tourné vers les grandes entreprises, ou la criminalité institutionnalisée.
On revient à une certaine époque, où la cigarette n'avait pas l'image taboue, les beuveries d'alcools fréquentes, les courses poursuites rarement entâchées d'embouteillages et où l'esprit macho prédominait.
On a bien évidemment le plaisir de découvrir encore plus le trait déjà fortement affirmé de Jirō Taniguchi avant qu'il sorte du mainstream
pour la carrière que nous lui connaissons. Et pour laquelle il a plus de succès en Europe qu'au Japon.