Lu en direct dans l'Hallucinarium FMR du 22/10/2014.
Avec Eugène Lawn, Marie Janote et Pouhiou. Réalisation : Philippe Pitet.
(podcast plus tard en soirée)
Bonjour à toi, enfant du futur immédiat, toi qui nous écoutera dans quelques secondes.
Quel est le point commun entre une télécommande de télévision, le sous-titrage de tes séries favorites, la reconnaissance vocale de ton smartphone et la synthèse vocale de ton GPS ? Ce sont des technologies qui furent créées pour les handicapés.
Oui, tout comme les rampes douces devant les trottoirs, les bandes blanches rugueuses et les synthèses vocales aux pompes à essence qui permettent chaque jour aux aveugles de pouvoir eux aussi prendre le volant d'un 4×4 pour s'amuser hors des routes.
Les technologies d'accessibilité sont une obligation aux États-Unis. Il existe une loi, dont le petit nom est section 508
, qui demande aux entreprises de faire de leur mieux pour pallier les handicaps.
Google l'applique en référençant mieux un site web qui pense à être accessible aux aveugles. C'est ce que l'on appelle un "référencement naturel". Parce que les robots qui parcourent internet et le décodent pour les moteurs de recherches, ne sont ni plus ni moins que des araignées (spiders) aveugles et sourdes.
Il existe de multiples manières de rendre un site web accessible, comme le standard ARIA ou des tests de contraste. En France, on a une norme officielle, le RGAA, Référentiel Général d'Accessibilité pour les Administrations.
Malheureusement, rendre un site web ou un service accessible est encore trop peu fait : cela coûte trop cher. Ledit site web, logiquement pénalisé par les moteurs de recherche, paie alors aussi cher des spécialistes SEO
qui optimisent le site pour les moteurs de recherche, sans faire un seul effort vers les handicapés. Comme si ils n'existaient pas.
Quel mépris !
Ce week-end eu lieu la 9ème édition du cycle de conférences techniques Paris-Web, qui comme son nom l'indique, était à Montrouge (dans le 9-2). Je n'ai pu y être, et pour cause : au même moment, j'expliquais à Agile Tour Toulouse en quoi Radio <FMR> utilise en interne des méthodes éprouvées de gestion de projet sans le savoir. Oui, je sais, aucun rapport et totalement improbable mais strictement vrai.
Figurez-vous que Paris Web parle des technologies des navigateurs web, parfois d'éthique mais surtout d'accessibilité. D'ailleurs les conférences sont doublées en langue des signes. Y faire sa conf avec un interprète en LSF à coté de vous, c'est très impressionnant.
L'après-midi du Vendredi, eurent lieu les Lightning Talks, conférences défoulatoires où les orateurs doivent présenter leur sujet en 4 minutes chrono. Où par exemple, Bruce Lawson a fustigé comme punk qu'il est et à hurler de rire les mauvaises manies des réseaux sociaux.
Sauf que j'avais les larmes aux joues et pas forcément de rire.
Sophie Drouvroy est une femme formidable, qui a beaucoup fait pour l'accessibilité des malentendants. C'est elle qui m'a appris à applaudir en langue des signes, comme ça. Elle-même sourde, affichant sur son t-shirt une grande oreille barrée, elle a raconté sur scène comment ces technologies lui ont redonné une vie sociale avec sa famille, avec ses démarches administratives et avec son travail.
Ensuite, David Rousset est monté sur les planches. David travaille chez Microsoft en tant qu'évangéliste et c'est un ami. Sa mission est d'expliquer en quoi les technologies qu'il promeut doivent être utilisées. Lui, il défend l'usage des standards, des nouveaux standards, ce que l'on appelle le HTML5 et il adore construire des jeux vidéos.
Il a présenté un jeu, un casse-brique pour les malvoyants. Il en est tellement fier que même si son jeu ne tourne pas totalement sur Internet Explorer, il l'a montré sur scène… tournant sur le navigateur concurrent Firefox.
Pourquoi ? Parce qu'il s'appuyait sur un standard, WebAudio, qui n'est pas encore implémenté dans Internet Explorer. Et que ce jeu sur l'accessibilité, qui a scotché tout le monde, est le moteur de sa motivation pour faire supporter au plus vite cette technologie par Microsoft.
C'est Stéphane Deschamps qui lui a suggéré d'imaginer un jeu accessible aux handicaps. Stéphane est un des organisateurs de Paris Web, il a un défaut majeur de la vision, ce qui ne l'a pas empêché de traduire les comics « Batman » dans les années 1990s avant d'être en charge de l'accessibilité des sites d'Orange.
Mais il faut aussi parler des 71% des personnes handicapées qui ont un handicap qui ne se voit pas, comme l'apprentissage ou le raisonnement.
Ah oui, j'oubliais, David Rousset est lui aussi directement concerné : son fils Nathan a une variante particulièrement sévère de l'épilepsie doublé de syndromes autistes. Il le raconte sur son blog : La face cachée du handicap.
Je n'ai pu voir ces lightning talks qu'en replay mais je connais ces orateurs. J'ai pleuré, j'ai applaudit et j'ai repensé à cet article, paru dans le New York Times de ce même Vendredi : l'histoire d'une mère qui ne savait comment prendre le fait que son enfant autiste de 13 ans a désormais comme meilleur ami Siri, l'assistant vocal sur iPhone.
Enfants du futur immédiat, le propre des technologies est de libérer l'homme et la femme. Ces technologies deviennent encore plus belles quand elles aident les personnes handicapées à avoir moins d'obstacles que les bien portants
. Cela s'appelle l'équité.
Et l'intelligence ne peut que s'enrichir à aider les autres.
Les lightning-talks en vidéo
Références:
- Sophie Drouvroy à 14'10"
- Bruce Lawson à 18'50"
- David Rousset à 36'00"
5 réactions
1 De Stéphane Deschamps - 22/10/2014, 21:12
« Et je tiens à dire que cette rubrique que j’ai faite à la radio sort en simultané sur mon blog, c’est vraiment un effort d’accessibilité, comme je le fais tout le temps. »
Et donc, tandis que je ne pouvais pas t’écouter, j’ai lu ta chronique deux heures après ta prestation radio.
Yay !
2 De Loïc Hélias - 23/10/2014, 08:11
Xavier,
Si seulement Google donnait un trust aux sites faisant preuve d'une démarche d'accessibilité, cela serait une vraie révolution. En réalité, les choses sont bien différentes, Google accorde un boost aux sites rapides, correctement structurés et faisant preuve d'un balisage sémantique cohérent avec ces règles à lui.
Les travaux réalisés à grande échelle en collaboration avec un ami, spécialiste Accessiweb (http://aquelito.fr/), sur des centaines de documents html, démontrent clairement que Google se fiche éperdument de l’accessibilité numérique. Seule, l’accessibilité crawler lui importe. Pour l'instant...
Si on se base sur l'aspect "ranking factor", et purement référencement "naturel", en se concentrant sur la partie on-site, certaines recommandations Google sont déjà contraires aux normes d’accessibilité.
Alors oui, les micro données et tout le reste on fait l'objet d'accords entre les différents moteurs, mais ce n'est en rien une démarche citoyenne vers un web accessible à tous. Il s'agit juste d'un objectif commun de mieux interpréter les documents html, pour les classifier, restituer et améliorer la pertinence des résultats.
De plus, un rapide coup d’œil sur les sites et services Google, donne un petit aperçu de l'intérêt de l'évadé fiscal pour un web universel, accessible à tous...
Avis personnel.
Amicalement
Loïc
3 De Marie Guillaumet - 23/10/2014, 09:44
Superbe chronique ! :) Je m'empresse de la partager.
4 De Yann - 23/10/2014, 12:11
Attention aux idées reçues : "Malheureusement, rendre un site web ou un service accessible est encore trop peu fait : cela coûte trop cher. "
Certaines mises en conformité peuvent coûter cher pour des éléments d'interfaces "riches", mais la très grande majorité des sites peuvent être conçus de manière accessible à partir du moment où les intervenants sont formés, compétents et respectueux des bonnes pratiques ou des normes (pas si compliquées en définitive) en la matière.
5 De Da Scritch - 23/10/2014, 12:57
En 5 mn, il est difficile de donner et vulgariser tous les points de notre profession, c'est pour ça que je fais ce grand paquet de généralisations.