Chronique lue en direct dans l'Hallucinarium FMR du 11/02/2015.
Avec Eugène Lawn et Marie. Réalisation : Kinou.

Bonjour à toi, enfant du futur immédiat, toi qui nous écouteras dans quelques secondes sauf si tu tombes à court d'énergie.

Avant l'iPhone, un téléphone portable tenait la charge une semaine pleine.
Oui, je sais, tu as ce regard surpris et interloqué, tu dois te demander si tonton DaScritch a encore disjoncté, mais je te jure qu'on pouvait appeler plus de 8 heures non-stop et remettre ça le lendemain sans avoir à recharger l'engin. C'était la digne époque où nos téléphones portables n'avaient rien de smart, et donc pas besoin d'antivirus, d'économiseur d'écran ou de géo-taggage de photos.

De nos jours, tous nos gizmos, tous ces appareils qui tiennent dans la poche, dans le sac ou à l'intérieur de nos vêtements ont besoin d'une batterie, aussi dite accumulateur. Eh oui, comme dit le sage en anglais « power is corrupting, but we need electricity ». Ne me demande pas de traduire, c'est un jeu de mot entre puissance électrique et pouvoir politique, ça te motivera à apprendre l'Anglais.

Alors qu'est-ce qu'une batterie ?
Une batterie, c'est comme une pile, mais rechargeable. Pardon enfant du futur, je reprends : une pile était une sorte de batterie que tu ne pouvais pas recharger. Une fois morte, fallait en acheter un jeu complet, dans la bonne dimension. Car on a tous eu des tiroirs avec des piles dans tous les formats possibles, de la pile 9v carrée, de la pile bouton, de la 1,5v dans toutes les dimensions et dont certaines finissaient par couler… mais on avait jamais les bonnes en quantité ; la longue queue devant les magasins après Noël, c'était pas pour revendre les cadeaux, non, c'était pour acheter de nouvelles piles pour tous les jouets des gamins ! Tiens, tu n'imagines pas la frustration de Marie quand sa brosse a dents est à court de piles et qu'elle doit se brosser à la main. Et celle d'Eugène avant chaque sortie : il doit changer les 48 piles d'1,5v format R20 de l'enregistreur Nagra de reportage, soit 8kg de charge en potentiel électrique. Ah, tu l'as plus ? Tu l'a refilé à Mika. Pauvre stagiaire, il va y gagner une scoliose.

Bref, en cette époque glorieuse des piles jetables. Non, pardon, je reprends : on jetait les piles sans les trier, et donc leurs métaux lourds polluaient énormément. En cette époque certes épique mais peu écologiquement glorieuse, c'étaient les piles qui dictaient les dimensions des gizmos. Maintenant, les batteries sont logées dans l'espace encore disponible. Comme on n'a théoriquement plus besoin de les changer, plus besoin d'un boîtier solide et de sa connectique ; donc les designs ont changé de potentiels : les dimensions de la lampe de poche étaient à peine plus grandes que la pile carré de 4,5v, alors que dans l'iPhone, on a glissé comme on a pu la poche de la batterie.

Les batteries, donc… Les batteries chimiques marchent par oxydation-réduction. Imagine une cuve d'eau salée avec une barre en fer et une autre en carbone. La lame de fer s'oxyde en libérant de l'énergie et redevient fer en se rechargeant.
Toute la difficulté est d'obtenir des modules compacts, qui stockent beaucoup d'énergie, qui peuvent se recharger beaucoup plus vite qu'on ne les décharge, qui peuvent vivre des centaines de cycle charge/décharge sans trop de pertes, qui fonctionnent encore sans problème par -20° ou +40° et qui ne sont pas dangereuses. Oui, le cahier des charges est très ambitieux, on dirait celui de l'écrou/boulon. Ce qui est normal car les batteries sont les chevilles ouvrières de nos technologies !
Pardon, ma chronique sur les métaphores, c'était il y a 15 jours…

Donc enfant du futur immédiat, tu as un nouveau gizmo, mais connais-tu les conditions idéales d'usage de sa batterie ? Celles qui évitent qu'elle prenne feu et ou qu'elle perde rapidement sa performance.. Car ces conditions changent avec les technologies, les bougres ! Donc il faut te tenir au courant…
Les batteries au plomb ne posaient pas de problème, mais elles sont très lourdes et encombrantes. Par contre, on peut y aller : qu'il gèle ou en plein désert, ta voiture va démarrer sans souci.
Le Nickel-Cadnium était la techno préférée des 90s. Surtout parce qu'elles étaient aussi disponibles aux dimensions traditionnelles des piles d'1,5v, tout en assurant plus d'autonomie qu'une classique alcaline. Mais il fallait systématiquement faire des cycles de charge/décharge complètes. À tel point que les chargeurs avaient parfois une position décharge. Ouais.
Actuellement, la technologie phare est le Lithium-Ion, et il ne faut plus la laisser se décharger à moins de 50%, sinon, elle perd en capacité de charge. Oui, je me suis fait avoir, trop habitué aux NiCad. Et la sécurité ? Figure-toi que le Li-Ion ne doit pas être secouée, ni cognée ! Oui, je sais, tu vas regarder différemment ton smartphone. Et si jamais le petit composant électronique qui régule la charge pête un plomb et fait surcharger la batterie, c'est explosion et incendie assurés. Figure-toi que cela arrive même dans les nouveaux Boeing.

Alors que seront les prochaines générations de batteries ? L'une des technos les plus prometteuses est le graphène, cette molécule de 60 atomes de carbone en forme de ballon de foot vintage qui permettrait de stocker des électrons dans sa cavité. Sauf qu'on pourrait bien avoir un risque immense d'inflammabilité. Ben oui, du carbone, chargé d'électrons au taquet, autant mettre du Menthos™ dans du Coca light™.

L'autre piste est d'augmenter l'autonomie en réduisant la consommation. Par exemple en baissant le voltage que nécessite les processeurs. On est passé de 5V à 0,4V pour les CPU. Ou encore remplacer les disques durs à moteurs par de la mémoire flash qui a besoin de nettement moins de courant sans pièce mécanique à faire tourner. Et il y a aussi les mises à jour logicielles qui rendent plus efficace la gestion du matériel. Une règle appliquée intensivement pour les sondes spatiales, et qu'on retrouve dans le logiciel libre.

La question devient de plus en plus cruciale, surtout avec les véhicules électriques. Car il leur faut de la puissance et beaucoup beaucoup d'autonomie. Or, il en faut de ces "terres rares" pour ces batteries. Des batteries qu'on n'achète plus avec la voiture, mais qu'on loue pendant deux ans parce que c'est leur durée de vie estimée. Et impossible de faire attendre huit heures la charge complète à la station service, imagine les problèmes de logistique et d'écologie !

Alors quand la batterie est inamovible… Elle l'est devenue indissociablement liée à son gizmo, souvent pour des raisons de place, d'esthétique et de solidité. Mais comme le nombre de cycles charges/décharges d'un bloc batterie est limité dans le temps, cela donne un facteur limitatif de plus à la durée de vie de notre bel objet. On oublie qu'Apple, qui fut le premier à rendre inamovible les batteries dans ses baladeurs iPod, s'était pris un procès car ladite optimisation accélérait l'obsolescence programmée de l'engin selon certains consommateurs, certes appréciateurs de la marque à la pomme, mais pas suffisamment idolâtres pour en accepter les tarifs princiers.

Enfant du futur immédiat, notre civilisation ne repose pas uniquement sur l'informatique pure, mais aussi sur des batteries. Et il y a encore beaucoup à progresser, dans plein de domaines différents qui vont de la physique fondamentale, la chimie des terres rares, le recyclage-retraitement des alcalino-terreux, la chimie organique et même le développement logiciel. Si tu veux participer à cette aventure, à toi de choisir dans quoi tu veux dépenser ton énergie !


Attention, je suis un peu de sortie :