Voici mes textes pour cette première édition, dont la page canonique est sur le site de l'émission, forcément. Une release effectuée depuis le Grand Builder d'Ekito, avec le soutient du public et d'Enflammée que j'adore. Photos et vidéos à venir.
Intro exceptionnelle
Bonjour et bienvenue dans notre nouveau programme qui est carré, petit et utile. Oui, désolé pour les répétitions...
Nous vous proposons une émission radio sur le numérique au sens large, sur les utilisateurs, les services, les objets et surtout ceux qui construisent tout ça derrière. Et ceci dès la première, qui est enregistrée ce soir, le 16 Septembre, oui, le 16/9. Cella-là, je ne l'ai même pas faite exprès... C'est dire si on fera fort sur les clins d'œils, les symboles, les références, les blagues hasardouteuses, et donc qu'on parlera à votre cerveau !
L'idée est simple : au bout d'une heure, vous donner envie d'en savoir plus ou de carrément mettre la main à la patte... la motivation digitale par les doigts dans l'engrenage.
Donc bonjour, je suis Dascritch Bonjour Eugène, bonjour Solarus et bonjour Gael Cerez
Et bonjour à toi, enfant du futur immédiat !
... toi qui nous prête attention.
(ahahaha , eh oui, je continue cette chronique pour l'Hallucinarium Éphémère !)
Ben oui, parce que dès qu'on parle de sous, de monnaie, de pognon et de transactions bancaires, à partir d'un certain chiffre, tout le monde écoute.
Et quand on parle d'acheter, d'être passé du troc aux pièces, on oublie quelle révolution se fut pour l'Humanité.
Non, je ne parle pas du quotidien que dirigea Jean Jaurès, et qui luttait contre les gros comptes en banque, mais de tous les papas du monde qui n'avaient plus à chercher une enclume et un âne, quand madame la future maman a une brusque et irrépressible envie de poulet aux fraises à 2h du matin.
Le fait d'avoir une unité de mesure commune entre tous les biens, produits, services et bien évidemment impôts a simplifié grandement les échanges, le commerce et la reconnaissance de dette. On pouvait enfin estimer à partir de combien le mauvais payeur allait vraiment perdre un bras.
Puis arriva la lettre de change, l'ancêtre du chèque, qui permit de faire voyager de fortes sommes entre lointaines places de marché, sans avoir à se trimbaler plus d'or qu'un groupe de rap West Coast. Finis les risques d'attaques à main armée de la part des rappeurs de la côte Est. Yo !
Ensuite, en dématérialisant complètement le papier pour le télégraphe, les banquiers utilisèrent la possibilité de crypter un message, ce qui en fut le premier usage non-militaire. C'est ainsi que la machine Enigma fut éprouvée par les banques Allemandes dans les années 1920s, avant qu'Hitler ne la remlilitarisa accidentellement suite à un pique-nique sur la Rühr. Le cryptage permet de s'assurer que seul le destinataire lise l'ordre de virement, que seul l'émetteur autorisé puisse l'écrire, et que le montant ne soit pas modifié ou perturbé.
La révolution suivante arriva avec la carte de paiement. Dans une publicité de la Barclay's Bank de 1968, une nymphette va faire ses courses à Londres, seulement habillée de son bikini et de sa barclayscard <3
Comme une bonne partie de l'émission va parler de carte bancaire, tout à l'heure, je te propose un exercice. Je te recommande de te munir d'un papier, d'un crayon et d'une carte de paiement...
La notion de banque a elle-même évolué. La Banque de France n'est plus une institution privée tenue par une centaine de familles depuis belle lurette, et depuis 2001 il n'est plus possible d'ouvrir son compte au Trésor Public. Oui, avoir une carte bleue avec le logo du Trésor Public, était tout a fait faisable, un très grand moment quand un taxi t'annonce une facture éhontée avant de voir le logo à la Marianne...
C'est ce que Philippe Noiret appelait avoir la Carte
.
Revenons au métier de banquier. Enfant du futur immédiat, sais-tu pourquoi les agences bancaires construisent de monumentales salles des coffres ? À grands frais, car il faut exclaver des mètres cubes de terre, verser des mètres cubes de béton et d'acier.
Alors qu'au final, ces banques n'y stockent que des sommes en liquide tout à fait dérisoires, et que la monnaie dématérialisée est bien plus pratique de nos jours...
Ben la réponse, elle est uniquement dans la confiance que le client place dans sa banque. La salle des coffres de ton agence de quartier n'est qu'un effet de présentation, un peu comme le pâtissier qui est visible depuis la boutique quand il fait un énorme gâteau, ou le maître d'hôtel qui aiguise son grand couteau avant de te préparer une chiffonnade de jambon : Tu achètes une prestation que tu n'utiliseras jamais, mais qui te donne confiance dans le conseiller bancaire en face de toi. Car oui, il n'y a plus beaucoup de vrais banquiers dans les agences, mais des commerciaux multicartes capables de te vendre des assurances, des abonnements presse, des forfait 4G, des bouquets de fleurs et bien évidemment des calendriers en fin d'année.
D'où la question de la confiance : Les banques ont fusionné avec les assurances, se sont diversifiées entre l'immobilier, la presse, la téléphonie mobile...
C'est idiot, mais mon réflexe de programmeur expérimenté applique le premier principe SOLID : celui d'une Responsabilité unique. Si tu sais faire une chose, fais le très très bien, ne te disperse jamais.
Moi par exemple, je ne passe jamais le balai, mais je sais très bien ouvrir les canettes de bières.
Ce que je reprocherais en tant que consommateur, c'est que les principes de base de la sécurité informatique ne sont plus totalement respectées par les banques. Rien que le système de paiement sans contact frise le ridicule en terme de sécurité pour ton argent, et pas que de poche. Et comme certaines banques insistent trop lourdement pour une fonction qu'elles maîtrisent mal... elles pourraient en payer la dette technique au prix fort.
Et quand une banque perd la confiance de ses clients, ceux-ci se ruent aux guichets pour en vider leurs comptes. Cela s'appelle un bank-run
et annonce quasi-inévitablement la mort d'un établissement de crédit, faute de ... (crédit).
Rasé de près, le bonhomme Cetelem™ !
À tel point que les modes de paiement para-bancaires reviennent en force, comme les monnaies "de proximité", les programmes de fidélité comme les milles des compagnies aériennes, et le BitCoin, qui mérite une émission à lui tout seul, donc nous n'en parlerons pas aujourd'hui...
Mais il est alors quasi impossible d'emprunter. Sauf si on considère les Kickstarter comme étant une nouvelle manière de se financer à crédit.
La monétique est devenue le moyen le plus courant en France, au point que nous sommes moins habitués à payer de fortes sommes en liquide, contrairement aux États-Unis, au Royaume-Uni, à l'Allemagne et d'autres ; un ami installé à Tokyo ne se sentait pas tranquille quand il a payé une année de loyer en avance à son bailleur en liquide, alors que c'est une pratique très courante.
En France, le paiement en espèces sonnantes et trébuchantes sur des montants de 3 chiffres et plus est devenu en l'espèce l'exception. Et d'ailleurs, sais-tu que les paiements en liquide sont plafonnées en France, désormais à 1000 € maximum. Et pourquoi ? Pour lutter contre le terrorisme.
Or, il suffit de voir suffisamment de films d'actions pour savoir que les terroristes qui achètent des missiles nucléaires avec des mallettes bourrées de billets ne s'occupent pas d'un petit détail juridique... ou même de remplir un constat d'accident à l'aimiable quand ils tamponnent une voiture sur l'autoroute.
Enfant du futur immédiat, il faut quand même reconnaître que la carte bancaire est une commodité monumentale, qui ne fait pas ses 50 ans d'âge, et qui s'est démultiplié par téléphone, par courrier, par minitel, par internet, et désormais par smartphone. Pas mal pour une carte de plastique grande comme une carte à jouer...
Plantage : La carte monéo
Les premières cartes bancaires étaient une sorte de gros tampon, les chiffres embossés, pour les commerçants, et une modeste piste magnétique à l'arrière.
Avec l'arrivée de la carte bancaire à puce, invention française (Cocorico !) de Roland Moreno, il devenait possible d'associer plusieurs services, d'y mettre différents logiciels, d'avoir suffisamment de mémoire pour y stocker les dernières opérations et le solde en cours du compte associé.
L'Allemagne lança en 1996 la Gelkarte, un système de porte-monnaie virtualisé, principe qui fut développé en Belgique sous le nom de paiement Proton.
Dans un accès de lucidité belgicaine, qui ferait mentir bien des humoristes franchouillards, les banques belges préférèrent ajouter l'application dans la carte bancaire déjà existante, plutôt que de créer une autre carte de paiement à coté et rajouter de l'épaisseur aux portefeuilles.
L'idée était de simplifier le paiement, et surtout la gestion de la caisse pour le commerçant : Moins de petite monnaie à trimballer signifiait moins de corvées de pièces pour le boulanger, et moins de risques de braquages.
De même que l'introduction de la télécarte avait considérablement réduit le nombre de dégradations de cabines téléphoniques, la carte de micropaiement intéressait fortement tous les opérateurs de distributeurs dans la rue, et les municipalités ayant installé des parcmètres.
Il ne fallut pas longtemps pour que les banques Françaises décident de faire traverser le Quiévrain à cette application, et d'en vanter le service à tout va.
Le groupement Carte Bleue décida donc d'expérimenter en France en 1999 une application hébergée sur la carte bleue pour faire des petits paiements jusqu'à 30 € et sans code secret. Et voilà donc Monéo.
En 2005, le service fut proposé à tous les possesseurs de Carte Bleue.
L'application Moneo fut aussi l'occasion d'ajouter de la monétisation à des documents identifiants, comme par exemple des cartes d'étudiants. Dans un certain nombre d'universités, celles-ci incorporèrent une puce bancaire à la carte étudiante. L'idée étant là aussi de simplifier la maintenance des monnayeurs des laveries, restaus U et photocopieurs, au risque de créer un mélange des genres entre un document délivré par un établissement public et un système de paiement comme le propose les clubs de vacances.
Ne me faites pas dire que certaines Universités sont des Clubs Meds, je vais encore avoir des plaintes du Syndicat d'Initiative de la Faculté du Mirail pour les Étudiants en Recherche d'un Avenir Post-Bac (SIFMERAPB) comme quoi je ne les aiderai pas dans leurs réflexions par mes sous-entendus.
Mais le système Monéo reposait sur plusieurs postulats :
- d'abord, que tout le monde aie une carte bleue
- ensuite, que chacun fasse la procédure spécifique pour créditer son compte Monéo depuis son compte personnel
- et enfin que les terminaux bancaires permettent de choisir, par un écran supplémentaire avant de demander le code secret, s'il faut débiter le compte Monéo ou le compte courant
Plantage...
Le premier problème est qu'il fallait facturer au commerçant l'achat d'un nouveau terminal de paiement (entre 700 € et 1000 €), avec aussi la location d'un identifiant de site de paiement. Ajoutez à cela les 2 % de commission bancaire sur tout paiement, fusse-t-il de 95 centimes d'euro, soit le prix d'une chocolatine.
( CHO CO LA TI NE ! WE ARE TOULOUSAINGS !)
Les-dits terminaux de paiement devaient donc proposer systématiquement si le paiement était à débiter du compte normal ou du compte Monéo. Un écran supplémentaire au paiement qui ne simplifiait pas vraiment l'usage du terminal, voire qui parfois créait des confusions peu agréables pour le commerçant en période de rush.
Mais le plus grand fail de ce système résidait paradoxalement dans l'absence de monnaie à manipuler : connaître le crédit encore disponible sur le compte Monéo obligeait donc de passer à un distributeur bancaire, si possible de sa propre agence bancaire. Sinon, il fallait recréditer sa carte à partir du terminal de paiement d'un commerçant, ralentissant d'autant plus le processus.
Devant le peu d'entrain, les banques ont commencé non seulement à offrir le service Monéo à tout possesseur d'une carte bleue, mais à l'activer systématiquement. Et tant qu'on y est, ils ont passé de coûteuses campagnes publicitaires.
Mais rien n'y a fait : Monéo ne décolla pas , la monnaie en espèce sonnantes et trébuchantes restait tellement plus simple à utiliser.
Finalement, le service fut débranché, en état de mort cérébrale, le 30 Juin 2015, et personne ne se battit pour garder le malade en vie.
Ayant retenu les leçons d'ergonomie, les banques adoptèrent la proposition de paiement sans contact poussée par Visa. Hélas, la sécurité n'est pas de mise dans le système NFC Visa. Mais sa simplicité et sa facilité en ont déjà popularisé l'usage.
...
Ou alors la pub nous ment.