Ceci est une partie du script de la release Ex0002 du programme CPU, diffusé Jeudi 24 à 11h. Plus d'infos sur le site de l'émission. logo de l'émission CPU

Bonjour à toi, enfant du futur immédiat, toi qui trépigne devant tes cartoons et autres manga.

Commençons par te rafraîchir la mémoire sur la pop culture : L'orgue électronique a fait passer The Doors les portes de la renommée, George Lucas pu obtenir de meilleurs budgets d'effets spéciaux en édictant la norme THX pour l'exploitation de ses films en salle, et l'imagerie médicale numérique a amené la petite startup Pixar au rang de grand studio de production cinématographique.

Je ne vais pas t'en faire tout un film, mais ... Oui ! les artistes se nourrissent des avancées technologiques, en tout cas, bien plus que d'amour et d'eau fraiche.

L'arrivée de l'Arduino, celui de la LED bleue et donc de la LED trichrome qui peut reproduire autant de couleurs qu'un tube cathodique, tout ce petit monde a fait exploser la scène créative. Sans la LED, le concert de Daft Punk à Lollapalooza en 2007 n'aurait pas eu le même impact sur la scène musicale. Sans projection mappée ou programmation de robots industriels, les prestations scéniques de Perfume seraient bien plus ternes, et sans les lasers, Jean-Michel Jarre n'aurait jamais fait du air synthé dans les années 1980s.

Bref, tu connais la musique.

Oui, depuis l'usage de l'acier autoporteur dans la Tour Eiffel, du béton précontraint dans l'opéra de Sydney, on en a construit des choses artistiquement belles grace à des avancées techniques.

Tout ça pour dire que dans la plupart des arts, il s'agit d'une délicate construction où s'architecturent la créativité artistique et les progrès technologiques.
Excepté en Littérature Générale, avec des majuscules sur les initiales, ce qui, à mon humble avis, explique les succès d'Éric Zemmour et de Michel Houellebecq car ils appliquent la méthode ancestrale d'écriture à la plume d'oie trempée dans le fiel, tout comme Louis-Ferdinand Céline quand il pigeait pour Je Suis Partout... Mais je m'égare et pas qu'en double file.

Enfant du futur immédiat, aujourd'hui, nous nous intéressons à un art qui a toute ton affection et qui est faussement simple.

Effectivement, le dessin-animé est un mariage délicat entre plusieurs arts : l'image et le son. En 150 ans, ceux-ci ont connu une progression stupéfiante.
Ce qui fait la différence depuis « Gertie », ce dessin-animé hybride où un dinosaure prend vie à peine dessiné sur un mur par Winsor McCay, c'est qu'avec l'outil de création Flash, on peut facilement concevoir une fiction dans sa chambre d'étudiant, puis la mettre en ligne sur Youtube.

Des techniques primitives comme le stop-motion, où l'on prend des photos successives de poupées qu'on fait bouger, comme dans Wallace & Gromit, sont toujours d'actualité ; mais il est devenu nettement facile à mettre en oeuvre avec les caméras numériques. La preuve, il y en a même qui le font avec Vine, c'est à dire avec une application de leur smartphone !

Et puisque je parlais tout à l'heure de Pixar, la première oeuvre sur grand écran de cette société fut la scène de bal dans « la Belle et la Bête ». Sans leurs décors en 3D, difficile de rendre d'une manière aussi fluide ce gigantesque et ambitieux travelling. Et d'ailleurs, si tu as déjà vu « Nos voisins les Yamada », sache qu'il est à ce jour le dessin animé le plus cher produit par les studios Ghibli, car intégralement produit sur ordinateur avec des logiciels spécialement créés.... pour rendre un graphisme de dessin au pinceau !

En fait, le principe même d'utiliser des feuilles de cellulo transparentes pour peindre des personnages, qu'on superpose à un décor est désormais remplacé par des logiciels de compositing comme Combustion, After Effects ou Natron qui ont révolutionné toute la production audiovisuelle : Dans pas mal de séries télé américaines avec acteurs et films à gros budget, les réalisateurs utilisent les technologies de compositing pour créer un décor autour des acteurs.

Paralèllement, l'industrie du dessin-animé a connu une première révolution par sa consommation. Au début des années 1960s avec l'arrivée de la télévision, on ne faisait plus de cartoons de Daffy Duck ou de Bugs Bunny toutes les semaines, projetés au cinéma et d'ailleurs au scénario plus orientés pour les adultes. Mais cette industrie s'est tournée vers la production de séries animées pour la télévision, parfois franchement réalisées à l'économie, surtout dans les années 1960s/1970s.

Puis arrivèrent la multiplication des chaines de télévision, et même de chaînes sur le cable spécifiquement destinées aux enfants. Nickelodeon en 1977, Disney Channel en 1983, Cartoon Network en 1992, des chaines qu'il fallait alimenter en nouveaux contenus, mais à un coût maitrisé, comprendre, un budget très contraint.

Seulement, sacrifier la qualité pour l'économie revenait à se tirer une balle dans le pied : programme cracra égal repoussoir, fuite de jeunes téléspectateurs veut dire moins de rentrées publicitaires. Heureusement, au cours des années 1990s, l'informatique allait fortement révolutionner un art qui jusque l'à travaillait essentiellement avec des crayons, de la peinture ou de la plasticine.

À la fin des années 1990s sont arrivés des logiciels qui permettent de créer rapidement des interpolations, ces dessins intermédiaires qui assurent un mouvement, comme le permet Flash de Macromedia (repris par Adobe), qui fit que ce logiciel , à l'origine prévu pour la production de CD Rom fut utilisé dans certaines productions audiovisuelles.

Il y eu aussi de nombreux outils de modélisation de personnages et de mouvements pour les logiciels 3D : Sega Animation ou Pixar Marionette, des logiciels qui rendaient moins ardus l'animation 3D pour des illustrateurs en utilisant des métaphores directes : squelette, muscles, peau, poils.

Et enfin, tout comme il existe des banques sonores pour avoir des volées de cloche ou des bruits d'explosion, il existe des banques d'images, des banques d'objets 3D et maintenant des banques de mouvement où on a des saisies très réalistes de marches d'humains et d'animaux.

Je terminerai sur un point purement économique : le dessin-animé est le secteur audiovisuel qui s'exporte le mieux hors de France. Ben oui, ce ne sont ni nos séries prestigieuses comme « Plus Belle La Vie », ni nos films à acteurs reconnus comme dans « Camping », ni nos documentaires, ni nos téléréalités... mais bels et biens nos Toons. Et d'ailleurs, c'est eux qui ont revitalisé l'agglomération d'Angoulême.

Enfant du futur immédiat, toi qui est si friand des dessins-animés du dimanche matin, regarde attentivement l'image : il y a de l'artistique, de l'artisanal, du logiciel, des crayons, de la 3D, plein de techniques différentes, et sans compter le son et l'histoire. Le dessin-animé n'a pas fini de bouger et de nous étonner.