Note : cette chronique était originellement prévue pour l'émission CPU Ex0036 « C.L.O.D.O. et autres néo-luddites » avec Célia Izoard qui sera diffusée Jeudi 29 Septembre à 11h sur Radio <FMR> et sur cpu.pm.
Cette chronique est donc diffusée avant ma conférence « Organisez des cryptoparty ! » à Paris Web, que je présenterai ce même Jeudi 29 à 12h20, et diffusé en simultanée en stream.

Le contexte politique de la fin des années 1970s très lourd, tellement lourd qu'on parle d'années de plomb : L'Europe de l'Ouest est secouée d'attentats de différentes factions de l'ultra gauche comme la Faction Armée Rouge et Action Directe ; d'autres attentats seront menées par des factions d'ultra-droite comme le "groupe Charles Martel". et enfin d'autres se révéleront comme opérations clandestines de police comme le GAL de la force publique espagnole contre les séparatistes basques.

Côté technologie, la baisse des prix de la mini-informatique permettait aux administrations de s'équiper en gestion de bases de données. Remplacer les fiches en papier par une vraie solution de recherche rapide offrait un gain de productivité fabuleux. Seulement ces bases de données sont alimentées en interne. Une tendance commence à apparaître depuis la seconde moitié des années 1960s : le croisement de bases de données. L'interconnexion entre ordinateurs permet à des entreprises de compléter leurs fiches depuis différentes sources de données.

Logiquement, dès 1973, la Police Nationale s'intéresse aux données des autres organismes d'état : L'État Civil, La Sécurité Sociale, La Justice, l'Éducation, les armées, ceux des impôts, des PTT et de l'EDF. Mais quitte à aller dans le futur, autant voir grand ! Et surtout de s'intéresser aux données des organisations privées informatisées, notamment les banques, les assurances, les vendeurs par correspondance, les partis politiques, les compagnies aériennes,… Une vraie battue ! Le projet porte pour nom de code « Système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus », SAFARI.

Quelques informaticiens recrutés à cet effet en ont des remords : Le projet n'est pas légal, construit en toute clandestinité par le Ministère de l'Intérieur. Bref, une fuite du Ministère de l'Intérieur conduit des journalistes à enquêter. Le 21 Mars 1974, Le Monde titre « SAFARI ou la chasse aux Français ». Le choix du nom est malheureux, qui plus est dans une époque de violences racistes et surtout rappelant les sinistres fiches de police de l'Occupation. Suite à l'indignation publique et à une enquête parlementaire, la CNIL sera mise en place en moins de 4 ans. Ailleurs, le Portugal, qui sortait de 40 ans de dictature, se dotait en 1976 d'une Constitution limitant sévèrement le fichage de ses citoyens (article 35).

Notes de production. Trois archives d'époque via l'INA pour se rappeler où on en était :

Derrière le Rideau de Fer, les services de police ne connurent aucune limite, avec les tristement célèbres Stasi en Allemagne de l'Est et KGB en URSS. Mater dans le sang toute tentative de manifestation étant plus facile grace à des outils très perfectionnés de fichage et de surveillance. La chute du Mur de Berlin allait entraîner un réaction épidermique à ce genre de fichiers, mais c'était dans les années 1990s.

Quant à la CNIL, si elle a été très efficace jusqu'au début des années 2000, elle a eu bien du mal à empêcher les fichages policiers illégaux. Le scandale EDVIGE, qui a été légalisé après coup, n'a été qu'un avant-goût des politiques menées depuis 10 ans : ainsi la police municipale d'Albertville a été pincée en 2002 avec un fichier recensant maghrébins et homosexuels.

Qu'est-ce qui nous assure qu'aucune autre mairie ne fait pas pareil ?