Ceci est une partie du script de la release Ex0036 du programme CPU, diffusé le Jeudi 29/09 à 11h. Plus d'infos sur le site de l'émission. logo de l'émission CPU

Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat, toi qui regarde d'une manière très suspicieuse ce micro dans laquelle je ne vais pas tarder à balancer mon flot de bêtises.

Pour une fois, nous ne parlerons pas de vie numérique dans ce programme, mais des personnes qui la refusent, parfois avec violence. On les appelle les Néo-Luddites, et non, ce n'est pas une maladie, puisqu'ils considèrent qu'ils accomplissent un acte politique.
Mais avant de parler de Néo-Luddites, que tu feras attention à ne pas confondre avec Néolithique, revenons deux siècles en arrière.

Il était une fois un royaume, le Royaume-Uni en 1811, qui allait connaître la Révolution Industrielle. Le train roulait ses premiers pas, et les cartes programmables du Métier Jacquard avaient déjà traversé la Manche, sans même attendre les troupes de Napoléon.
Sauf que les paysans qui complétaient leurs chiches revenus avec le tissage manuel devinaient que la mécanisation allaient prendre leur place. Un mouvement de révolte gronda contre les machines à tisser Jacquart ; cette jacquerie se nomma d'elle-même le Luddisme. Les gens de la Terre envahissaient les ateliers pour casser ces mécaniques infernales. C'est le premier exemple moderne de sabotage de l'outil de travail pour protester contre la mécanisation et le risque sous-jacent de chômage.

De nos jours et dans nos pays dits “modernes”, une communauté pratique un rejet de la technologie, mais sans violence aucune : les Amishes, qui basent leur refus sur sur leurs croyances religieuses. Au moins, ils ont le bon goût de ne pas l'imposer aux autres et s'autorisent de passer une année de leur vie dans le péché et la modernité.

Lors d'une précédente release sur le numérique en écologie politique, nous avions abordé le sujet électrosensible des Robins des Toits, où, sous prétexte de principe de précaution, le rejet tient plus de la superstition.

Si je farfouille dans ma bibliothèque au rayon science-fiction, le pape du cyberpunk, William Gibson mettait en scène dans ses romans les loteks, un groupe anarchiste qui ne rejette pas la technologie en soit, mais sa course effrénée et l'infobésité qui va de pair. Sans aller à la croisade pucicide.

Le plus proche de notre thématique est décrit dans les années 1960s par Frank Herbert dans ses romans « Dune » : il y imagine un empire humain galactique ultra-évolué mais sans un seul ordinateur intelligent. Au mieux, de bêtes tabulateurs. Les ordinateurs humains ont pris la place d'une technologie, suite au dérapage des systèmes intelligents qui ont tenté d'esclavagiser les humains. Dans ses romans, Herbert y évoque une guerre sainte contre l'informatique, le Jihad Butlérien. La thématique est tellement intéressante qu'elle fut développée après la mort de l'auteur par son fils Brian Herbert et Kevin J. Anderson.

Revenons à notre passé

Entre 1980 et 1983, un groupe terroriste commet plusieurs attentats à Toulouse contre l'industrie informatique par des bombes et des incendies.
Son nom ? Le Comité pour la Liquidation Ou la Destruction des Ordinateurs, le C.L.O.D.O.
Leurs cibles furent des constructeurs d'ordinateurs pour grands comptes, donc principalement des entreprises et des administrations. Les membres de ce CLODO dénoncèrent le fichage de masse, à la fois par les autorités publiques et de très grandes entreprises privées.

Heureusement, à ce jour, ce débat s'est apaisé. Les attaques contre les caméras de surveillance et les radars routiers sont loin d'être aussi destructeurs. Pourtant les craintes sur une surveillance débridée par les autorités étatiques, étrangères ou commerciales sont devenues autrement plus réelles. Cette intrusion ne tient plus d'un fantasme mais est une réalité quotidienne.

Enfant du Futur Immédiat, à l'heure où l'État de Droit cède la place à l'État Policier, la surveillance de masse est devenue une arme numérique dans l'arsenal gouvernemental de nos supposées démocraties ; espérons que le désarmement de ce flicage généralisé se fasse rapidement, mais avec plus de douceur.