Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat, toi qui vient de faire des yeux énormes quand on t'a dit que pour charger le jeu dans le MO5, il faut entrer la cassette dans le lecteur et taper RUN "CASS:
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Si si.
En 1982, Thomson, vaillant constructeur national, sort son premier micro-ordinateur familial, le Télé Ordinateur 7, TO7.
La concurrence était déjà très rude dans la micro familiale à l'époque, une nouvelle machine arrivait sur les étals français tous les 15 jours. Et la presse informatique cocoricocardière n'était pas forcément tendre envers le champion hexagonal, ses micros avaient des capacités moyennes et des tarifs pas donnés. D'où une machine plus entrée de gamme, le Micro Ordinateur 5, le MO5, mais cela ne suffisait pas. Alors pour arriver à percer dans la tête des bambins, Thomson joua à fond un match éducatif pour approcher ses buts.
D'ailleurs, pour marquer un but, Thomson avait même tiré une gamme MO5 avec la signature de Michel Platini ! Le n°10 de l'Équipe de France, fierté et sportivité ! Avant qu'il ne devienne le N°2 de la FIFA soupçonné de corruption, évasion fiscale et de relations très peu fréquentables. N'est pas l'enfant prodige qui veut...
(Extrait d'une publicité Thomson)
[Maitresse] - Allez les enfants, on va à la salle nanoréseau !
[Élève] - Là où y'a les ordinateurs, maitresse ?
[Maitresse] - Oui
[Élève] - Chouette! y'a Pacman ?
[Maitresse] - Non, mais les QCM d'Espagnol. La note comptera au trimestre !
Les gammes TO7 et MO5 montraient au collégiens avec fierté le génie industriel Frrrrrançais.
En omettant de préciser que le microprocesseur 6809E venait de chez Motorola, la puce graphique de Texas Instruments, l'EPROM de STMicro et le langage BASIC fourni par Microsoft. Mais non ! US Go Home !
L'Apple II va trembler !
De rire, comme d'autres constructeurs.
Oui, on s'est fourré le crayon optique dans l'œil, mais on n'était pas le seul pays à l'époque à se planter l'informatique à l'école. Nous avions en France de nombreux constructeurs de micros comme Matra, Goupil, Bull, Exelvision,… Tous alléchés par un programme national d'équipement des écoles. Mais l'appel d'offre était truqué, Thomson laisse que des miettes aux autres, mais le gloutton ne survit pas à cette subvention cachée. Ses ordis sont quasi-inconnus hors de France, la logithèque bien mais pas top, les gammes s'éteignirent en 1989.
Que reste-t-il de ce beau plan d'État ? Pas grand chose : Thomson a tenté de rattraper le marché pro avec des compatibles PC déjà trop datés (les TO16). L'informatique grand-public est le chant du cygne du logo hexagonal.
Car à l'époque, le groupe Thomson vend des missiles et des radars aux armées sous la marque Thomson CSF, et refourgue au grand-public du téléviseur Secam Antiope prêt pour le D2 Mac sous les marques Telefunken, Brandt, Saba, RCA et évidemment Thomson. La société avait racheté dans les années 1970s une multitude de concurrents, donc de bureaux d'études, de laboratoires, de brevets, d'usines et de réseaux de distributions commerciales. Le groupe militaro-électronique s'était trop diversifié, s'effondre assez vite sous le poids de dettes colossales.
Nationalisé en 1982 pour le sauver, le remède n'était guère mieux : son corps a été surtout sans cesse secoué, malmené, comme un jouet aux mains d'un énarque. Comme l'a dit un candidat aux présidentielles qui devait être un sacré humoriste :
Un énarque, c'est un gars que tu lui donnes le Sahara à gérer, au bout de quelques mois il faut qu'il achète du sable.
L'État parent n'a pas assez regardé la chambre du gosse en lui donnant son argent de poche. Le groupe sera divisé en 3 entités distinctes en 1991 : l'électroménager est cédé pour un franc symbolique au groupe Daewoo en 1996. Le secteur audio-visuel et électronique grand-public fait une brillante entrée en bourse en 1999. Un soufflet qui redescendra assez vite : ce qu'il reste de Thomson Multimédia en 2010 renait sous le nom de Technicolor, principalement axé vers les services de productions pour le cinéma et l'audiovisuel.
Ah si, Thomson CSF, la branche militaire existe toujours sous le nom de Thalès. Faut pas déconner.
Quant aux machines à laver , la marque cache le constructeur espagnol Fagor.
Enfant du Futur Immédiat, la morale est la même que dans la fable de la grenouille qui se voulait aussi grosse que le bœuf.
Le plus grand bénéficiaire du Plan Informatique Pour Tous sera donc le plus grand perdant d'une ambitieuse politique jacobine, d'une planification d'état, alors que le secteur de la micro était en pleine explosion.