Supplément Week-End, le magazine des cultures geeks Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 4 Avril 2009.

Himoto Hitoshi est un homme mûr, trappu, assez fort, mais surtout incroyablement tenace. Il a réussi à grimper tous les échelons de la multinationale Edo. Pas uniquement parce qu'il est un peu le protégé du grand patron, aussi parce qu'il a une terrible soif de réussite, et qu'il met les moyens qu'il faut pour arriver à ses fins.
C'est ainsi qu'il se retrouve à 35 ans à la tête d'une des filiales Sud Américaines de Edo. Et qu'il espère bien frapper un très grand coup.
Sauf qu'on est au début des années 1980s, que la violence aussi bien des dictatures militaires que des guerrillas communistes et des cartels de la drogue font des ravages. Les obstacles sont nombreux et pas du tout du genre auxquels s'attend Monsieur Hitomo. Ce dernier est un homme d'affaire Japonais, plus habitué au monde du businesset de la gestion d'entreprise sur l'Archipel que dans le vaste monde.

Il va découvrir que les obstacles qui vont se dresser contre lui sont tous puissants sur ce continent, que la corruption y règne en maître et que la menace d'un licenciement n'est pas forcément la plus terrible pour ses employés.

À la lecture des premiers chapitres, on se dit que Tezuka a surtout voulu dénoncer la violence des dictatures militaires en Amérique du Sud. Mais plus on progresse dans l'histoire, et plus on se rend compte qu'en fait il tend un miroir à ses lecteurs. Il présente en fait le comportement des Japonais à eux-mêmes. Qu'ils se regroupent toujours entre exilés, qu'ils ne tentent pas de comprendre le pays où ils vivent, qu'ils pensent de manière obsessionnel à leur travail et à leur réussite au sein de leur entreprise. D'ailleurs, le nom du héros principal de cette histoire, Himoto Hitoshi, s'écrit “Japonais” en Japonais et “Edo”, le nom de l'entreprise, était l'ancien nom de Tōkyō du temps du Shogunnat. La référence n'étant pas évidente pour le lecteur occidental, le scénariste Jean-David Morvan (qui vit désormais à mi-temps sur l'archipel du Soleil Levant) la souligne dans sa préface.

C'est une œuvre adulte où les corps s'enlacent, mais où aussi ils se font désarticuler par la violence.
C'est aussi sa dernière œuvre d'une très riche production, qu'Osamu Tezuka a laissé inachevé en 1989, emporté par la maladie.
Tezuka qui a pris le luxe de beaucoup voyager les dix dernières années de sa vie voulait justement ouvrir ses compatriotes au monde qui les entoure.

À l'heure de la la publication de ce billet, ce livre est dans les 5 finalistes du prix Asie ACBD 2009.