Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 23 Mai 2009.
1942, Bruxelles est sous le joug des Nazis.
Spirou est toujours groom à l'Hôtel Moustic, mais ce dernier a été réquisitionné pour être le QG des forces occupantes. Voilà Spirou passé d'une livrée en rouge à une livrée verte-de-gris.
Fantasio est toujours journaliste. Enfin, façon de dire, avec l'interdiction de la plupart des quotidiens, il s'est retrouvé embauché dans le journal Le Soir, qui a été volé par les Allemands, avec comme fonction d'archiviste. Cave et vieux papiers. Mais il s'est trouvé une marotte : inventer des machines incongrues, pleins de machines. C'est grâce à l'une d'elle qui peut encore faire tourner sa voiture pimpée d'une manière improbable, ou encore qu'il barbouille les murs de Bruxelles de mots rageurs contre les Allemands.
Mais dans cette époque trouble, le groom au surnom d'écureuil est quand-même espiègle. Préparant un coup en douce : celui d'échapper à la très belle mais très collante officier Chickengrüber. Trouver à manger aussi, même si sa position de groom dans un hôtel officiel lui donne accès à quelques petits avantages en nature. Mais surtout, ne pas souiller son âme d'enfant de la Belgique.
Suite au succès critique mais surtout commercial du « Journal d'un ingénu », Dupuis avait décidé de casser le principe de leur collection « Une aventure de Spirou par ... [un dessinateur] » en proposant d'en faire une suite. Oui, sauf que cet album, s'il est dans la continuité du « Journal d'un ingénu », n'en est pas totalement la suite. En fait, le scénariste Yann en veut terriblement à Émile Bravo de lui avoir piqué l'idée du Spirou Groom sous l'Occupation qu'il avait imaginé avec le regretté Yves Chaland. Des planches qui sont parues dans les « Inachevés de Chaland », qui remontent à 1988. La question semble même très sensible dans les différentes interviewes de Yann à ce sujet.
Le dessinateur Schwartz s'était illustré en dessinant (désolé, humour...) dans les années 1980s les aventures de « l'Inspecteur Bayard », héros de la revue Astrapi, mais surtout fortement teinté de la Ligne Claire d'Hergé et des débuts de Franquin. Schwartz avait donc de sérieuses qualités pour se rapprocher de l'idée dessiné par Chaland qu'aurait copié Émile Bravo.
Dans les surprises, le nombre de clin d'yeux à Hergé (que l'on voit chiner sur les marchés pour préparer sa saga sur Rackham) et à son œuvre a littéralement explosé (outre Quick et Flupke, on voit aussi passer Jo, Zette sans Jocko). Jusqu'à faire figurer Raymond Leblanc, futur fondateur des Éditions du Lombard et du Journal de Tintin, l'ennemi juré de l'équipe Dupuis.
Dans le Bruxelles occupé, on y retrouve les principales préoccupations des habitants, mais aussi l'émergence des Zazous, ces jeunes insouciants qui préféraient danser et se vêtir de manière extravagante plutôt que de maugréer contre l'Occupant Nazi. Et le Brusseler, argot typique de cette enclave Francophone en pays Flamand. L'immense travail de documentation et de reconstitution historique des auteurs se marie étonnement bien avec l'intention graphique des auteurs.
Car la dernière surprise, et c'est une très très bonne idée de Yann, c'est de raccrocher ce Spirou à celui de Franquin. Au fur et à mesure qu'on avance dans l'album, les références graphiques, scénaristiques mais aussi dans le comportement des personnages devient de plus en plus présent. Ce qui est un bonheur.
L'histoire se termine par une introduction à la première histoire complète créée par Franquin.
Même si l'effet de surprise est passé, le bonheur est toujours présent.
3 réactions
1 De Mitch 74 - 22/07/2009, 18:02
J'ai retrouvé mes Spirou d'époque, avec les premières versions (non colorisées) du Spirou de Chaland. J'ai aussi pu (re)compulser l'édition originale de 'Et Franquin créa la Gaffe' (entretiens avec Numa Sadoul).
Cet album, comme tu le fais remarquer, se rapproche encore davantage du style Chaland que "journal d'un ingénu", mais je te ferai noter que si Franquin a commencé la BD en dessinant du Spirou (il n'en avait jamais fait avant 'Fantasio et son tank' paru dans l'Almanach 1947 mais dessiné bien avant), lui-même copiait autant que faire se peut le style de Joseph Gillain (Jigé) au point que celui-ci pouvait, sans que cela se voie trop, prendre le relai dans une aventure (Radar le Robot: la scène de la corde de la cloche est de Jigé), et fit durer cet état de fait jusqu'à 'la corne de rhinocéros'.
Si l'univers Franquin se retrouve dans 'Le groom vert-de-gris' c'est au niveau des éléments d'histoire, pas du style graphique - car Franquin lui-même mit volontairement un temps assez long à apporter son propre style à la série, et s'il y a 'collusion graphique' ce n'est pas avec le style de Franquin, mais bien celui de Jidéhem (qui a très vite fait les décors, et beaucoup d'encrages).
Le fait que Spirou soit le personnage emblématique des éditions Dupuis empêchait Franquin de quitter un certain style (droit et épuré, à contraster avec le travail de rötring et de carte à gratter sur les IN et Gaston lorsqu'il laissa tomber Spirou) et ne lui laissait que le champ narratif et les seconds rôles pour déconner (ce qu'il s'ingénia à faire jusqu'à ce qu'un refus catégorique de l'éditeur sur la direction initiale de ce qui devint 'QRN sur Bretzelburg' ne déclenche une dépression carabinée du grand timide): on retrouve certains de ces éléments dans cet album.
Donc, pour résumer sur 'le groom vert-de-gris':
- Yann finit grâce à Schwartz une aventure qui aurait aussi bien pu être dessinée par Yves Chaland, et le style graphique global s'en ressent;
- l'album se finit 'en gros' à l'époque (1945) où Franquin crée un véritable monde pour Spirou, lequel était avant lui cantonné à des histoires bruxelloises de béni-oui-oui;
- le style à la fin de l'album devient plus nuancé, plus flexible qu'au début, se rapprochant alors du travail de Jigé, 'pastiché' par Franquin et entretenu par Jidéhem.
Mais c'est VRAIMENT de la nuance.
2 De Thomas - 23/08/2009, 19:10
On s'y perd un peu avec tous ces belgicismes, mais l'album est vraiment excellent, et on s'amusera à noter toutes les références et clins d'oeil.
3 De da scritch net works - 23/09/2010, 23:31
« Les aventures de Spirou et Fantasio #51 : Alerte aux
Fabien Vehlmann et Yoann se dépêtre d'une jungle impossible qui a englouti le village de Champignac. Qui dit que l'héritage de Zorglub était consommé ? Manœuvres de l'escadron Dupuis....