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Ce billet est dans le cycle « La Psychanalyse du Clavier ». Cliquez ici pour lire l'intro et les autres billets publiés.

Reprenons et je sais que je suis un gougnafier car il n'y a que 8 10 mois que ce texte était quasi terminé.

On a vu comment durant les années 1960s les chiffres sont arrivées à se ranger en pavé, tandis que commençaient à apparaitre les touches fléchées. C'est la fin des temps héroïques de la macro-informatique, les commerciaux font des rêves moites de mettre un micro(-ordinateur) dans chaque foyer solvable. Néanmoins, un clavier reste couteux à produire et il fallait trouver des astuces pour ne pas démultiplier les touches.

Si on voulait arriver à vendre des ordinateurs à des prix relativement accessibles, la clé de ce business en voie de vulgus-pepumisation restait la maitrise des couts de production. Surtout qu'on restait sur des quantités vendues relativement modestes.

IBM démocratise l'ordinateur “personnel” : 1565 $ (avec touches fléchées, mais sans écran, ni disques)

(soit 15 000 Francs de l'époque, ou 6000 € actuels)

Lors de la création du boitier de son micro-ordinateur 5150 (le PC originel), IBM créa la possibilité d'une utilisation double du pavé numérique, par la grâce des touches ⇧Shift voir parfois ⇪Caps.Lock pour les plus consciencieux, servi alternativement à déplacer le curseur. IBM installa une touche bascule, ➀Num.Lock (francisée en ➀Verr.Num.). Plus exactement, il importa cette disposition du clavier d'un de ses terminaux les plus “populaires” à l'époque (selon l'état actuel de mes recherches, le Display Station 5253), car le PC devait permettre de se connecter à l'Ordinateur, fond du 3ème couloir à gauche au 1er étage, tout en permettant de faire fonctionner des programmes de manière autonome, comme Moria ou le Démineur.
Après tout, on avait beau s'appeler IBM et vendre ses machines à prix d'or, la mécanique admirable de ces claviers aurait fait exploser les tarifs si on avait dû séparer les deux fonctions.

Dans l'incroyable foison de micro-ordinateurs différents et incompatibles qui apparurent entre 1975 et 1990, à mon humble connaissance, le PC de IBM et ses clones furent les seuls à avoir cette touche bascule ➀Num.Lock. Ni les Apple, Commodore (Amiga inclus), Amstrad, Atari (ST inclus), Sinclair, Tandy, Thomson, Sony, Yamaha et j'en passe utilisèrent cette bascule ailleurs que sur les « compatibles PC », même dix ans après.
Ce qui en fait une invention injustement méconnue apportée par les PC.

Layout du clavier du PC XT (version révisée du 5150) :
8-PC-XT-layout.gif
Crédit illustration : John Savard. Merci à lui pour son excellent travail d'historien sur les claviers

Petit paragraphe purement technique : À cette époque-là, le clavier du PC envoyait le scancode en brut, mais sa bascule par un programme en mode pavé Flèches/Numérique (ou en casse Minuscules/Majuscules) se faisait en changeant une valeur dans l'adressage de la RAM du PC. Alors que la doc développeur du IBM PC stipulait que la moindre intervention matérielle devait se faire par les interruptions, les vecteurs du BIOS et du MS-DOS, c'était un bon vieux Poke comme on en faisait dans les ordinateurs familiaux qui valaient 20 fois moins chers qui permettait de gérer cette bascule ! C'était aussi ce qui a longtemps bloqué la mémoire maximale des PC à 640Ko de RAM (de toutes façons le processeur 8086 n'arrivait pas à s'adresser au-delà des 1024Ko). Comme le disait à l'époque Bill Gates, on avait pas besoin de plus ; et pour cause : tous les ordinateurs familiaux en 1981 n'avait pas plus de 4Ko, et le premier IBM était livré avec 16Ko, ce qui était un luxe impensable (le Mac joua sa star en 1984 en se trouvant trop juste avec 128Ko embarqués).

Par défaut, au démarrage du système, la bascule était systématiquement en position pavé directionnel. Le verrouillage numérique n'a toujours eu lieu que par appui de l'utilisateur. Et ceci jusqu'à l'arrivée de MS-Windows 95.

Ce sont les claviers étendus fournis sur les PC-AT qui comporteront un pavé numérique ET un pavé directionnel. Mais comme de nombreux programmes de gestion utilisaient la touche ➀Num.Lock, (voire même la répliquant à l'écran, comme le fait toujours MS-Excel) celle-ci fut gardée sur le pavé numérique, toujours en mode bascule et désormais avec une diode dédiée.

Apple avec son tout premier Mac allait plus loin dans l'abstraction : Puisque les gens ont obligatoirement une souris avec notre ordinateur, les flèches peuvent disparaitre du clavier. Mais finalement, les touches curseurs permettent de se déplacer plus vite dans un texte que reprendre la souris pour saisir une barre de défilement, d'où leur retour définitif sur Mac.

Le Jour où la touche devint transportable

La fonction repris ses Lettres (ahahah) de Noblesse quand, pour concevoir le clavier des ordinateurs portables, le pavé numérique fut “fondu” dans la section alphabétique.
Mais si tout le monde utilise le pavé numérique d'un clavier étendu, je ne connais personne qui utilise le pavé numérique “fondu” de la sorte sur son ordinateur portable.

Problème : Ni les BIOS, ni le système d'exploitation, ni les programmes ne peuvent savoir s'ils doivent activer la bascule numérique du clavier, puisque cette fonction est exactement identique à celle des claviers étendus de bureau. D'ailleurs, les BIOS ne stockent l'information du verrouillage que d'une seule manière. Démonstration par l'absurde :
Démarrons un ordinateur portable, et ouvrons un éditeur de texte. Branchons dessus un clavier de bureau. Appuyons ➀Num.Lock pour activer la bascule en mode numérique. Et tapons sur le clavier du portable et pas celui de bureau (si vous ne pouvez faire cette expérience amusante chez vous, re-regardez cette image, en vous concentrant sur les lettres alphabétiques). Eh oui, la joie du clavier avec pavé numérique fondu dans les lettres. Pile là où l'on ne voulait pas.

En fait, cette fonction est considéré la plupart du temps comme une gène, et une solution parfaitement inconvenante. Comme si des ingénieurs ont voulu répondre à une demande de comptable un poil trop vite. D'où l'existence des pavés numériques externes pour ordinateurs portables, qui forcément n'en ont pas, avec en plus une fonction calculatrice. Regardez bien sa sérigraphie ... y'a comme un os quand on veut croiser une calculatrice avec un pavé numérique :

8-pavenumcalc-trust.jpg
Crédit photo : Trust

Une touche d'archaïsme

Mais à l'ère actuelle où pratiquement tous les claviers de bureaux sont étendus, qui peut encore avoir besoin de la bascule ➀Num.Lock ? Là encore, c'est le Mac qui en aura l'originalité puisque cette touche a disparu des claviers étendus Apple, remplacée par ⌦Clear.

La firme à la pomme ferait-elle dans les purges maccarthistes, sans même un procès stalinien ?

➀Num.Lock est un outil pour sale pédé rouge, dit-on au Texas. Les véritables dactylographes, ceux qui ne pratiquent pas la frappe gendarme, utilisent le “clavier haut”. Le bidule à droite, c’est pour les flèches de direction quand on veut jouer à [Microsoft] Flight Simulator. Pour se déplacer dans un texte, ça dépend du système, mais j’ai des souvenirs émus de l’utilisation du ⌈ ⇧Shift+E/S/D/X ⌋. [NDLR: Respectivement ↑←→↓. Une autre “croix de lettres directionnelles”]
Marc Olanié. Power-user et shérif sécurité.

En voila des déçues : des générations de tabulistes qui entrent des wagons et des wagons de chiffres vers ces champs d'exterminations que sont les tableurs et autres processeurs de données.

Depuis le passage définitif du clavier de bureau façon XT 78 touches au AT 101 touches, celle-ci semblait ne plus être réellement indispensable, mais plutôt gênante. Vous est-il déjà arrivé de devoir retaper votre mot de passe parce qu'il comporte des chiffres ? Et bizarrement, sur de nombreux portables, la fonction ➀Num.Lock ne s'active qu'en combinaison avec la touche Fn. Quand on utilise pas un portable pour faire le pavé numérique d'un portable.

Enfin, si la diode ➀Num.Lock a une fonctionnalité, on peut trouver étonnant qu'elle soit dupliquée à l'écran dans Excel :


Crédit illustration : GuidesAndTutorial.com

La fonction cachée

Lors du passage à MS-Windows 95, Microsoft supprima la possibilité de piloter nativement le curseur de la souris au clavier. En tout cas, les développeurs cachèrent cette fonction suite à une décision hiérarchique pour imposer la présence périphérique de la souris.
La fonction pilotage du curseur de la souris au clavier qui était aussi disponible sur Atari ST et Amiga, deux ordinateurs qui étaient vendus souris incluse. Faut dire que ces ordinateurs familiaux utilisaient la même prise pour la souris ou un joystick. Après une partie à deux, il était parfois utile de ne pas avoir à débrancher/rebrancher histoire de cliquer sur une icône.

Donc, depuis MS-Windows 95, il est (toujours) possible de piloter le curseur de la souris mais en activant la bascule par la combo ⌈ ⇧L.Shift+Alt+➀Num.Lock ⌋.
Et parfois, cette fonction est très utile. Pas uniquement quand la souris est en panne. Aussi pour faire des travaux de “précision”. Car bien souvent, les technologies créées pour les personnes déficientes peuvent aussi faciliter la vie des personnes valides (par exemple : ta télécommande).
Cette fonction est à activer dans les options d'accessibilité, il est totalement inutile et dangereux de payer/pirater/installer des sharewares douteux. Même si les utilisateurs de MS-Windows croient que c'est comme ça qu'on se fourni en logiciels.

L'émulation de la souris au pavé numérique dans KDE X Window (le système graphique qu'on retrouve sur Linux) possède un mode équivalent par ⌈ ⇧L-Shift+Alt+^Ctrl+➀Num.Lock ⌋. À noter que les environnements graphiques comme KDE ou Gnome y ajoutent leur propre fonction d'émulation, accessibles par d'autres moyens et en général persistants.
Sur Mac OS X, la fonction est accessible par ⌈ ⌥Alt , ⌥Alt , ⌥Alt , ⌥Alt , ⌥Alt ⌋ à condition d'avoir activé la préférence idoine (Dites donc, chez Apple, ça vous arrâcherait la tronche de faire un manuel explicite sur votre site web ? Bande d'anti-handicapés !). Une fonction très utile, mais qui ne marche pas sur un clavier de portable avec le pavé numérique fantôme. Heureusement : on s'en sortirait plus.

Il faut noter que cette fonction n'est pas prise en charge par le noyau du système d'exploitation ou un des drivers (clavier ou souris), mais par les fonctions d'assistance handicap de l'environnement graphique. Évidemment, cette combo ne dispose pas d'un voyant, tout au plus d'un indicateur dans la barre système et d'un bip au tweeteur. Et, à ma connaissance, c'est la seule touche bascule qui donne accès à une autre bascule par une touche modificatrice.

Voilà qui conclu le cycle sur les touches numériques. Dans le prochain épisode : Je te rajoute du texte en plein milieu, propre, net, sans bavures ni Tipp-ex™.