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Ce billet est dans le cycle « La Psychanalyse du Clavier ». Cliquez ici pour lire l'intro et les autres billets publiés.

Laissons de côté les chiffres sur la rangée du haut pour suivre quelques flèches. Suite ↓plus↓bas↓

À la fin des années 1970s, IBM lançait une révolution en éclatant le terminal monobloc. À l'époque, l'ordinateur était un immense meuble largement plus grand que toutes les archives classeurs du service compta réuni. Il trônait dans une immense pièce où des ingénieurs n'entraient qu'en blouse blanche, inaccessible pour le vulgus proletarius. L'Ingénieur Informaticien était une sorte de cadeau-Bonux qu'on fournissait au Chef d'Entreprise tout heureux d'acquérir un Ordinateur. Un porte-clé payant qui s'exprimait dans un jargon strictement incompréhensible. La légende veut que pendant la pause, il ne s'adressait pas à Gérard du service compta mais à la machine à café.
Bref, inutile de dire que personne n'avait accès à l'Ordinateur. Pourtant la secrétaire, le patron, le DRH, le chef des expéditions y avaient accès.
À distance respectable.
Avec un terminal.

Un terminal, (eh oui, j'explique, mais tout le monde ici n'a pas eu la chance d'avoir connu ces heures héroïques où qui approchait un terminal était déjà touché par la grâce, mais je m'égare… Pouf… pouf… je reprends)

Un terminal, (disais-je) c'est un système client intégré. Bête, il n'a aucun logiciel, ne sait exécuter aucun programme, en fait, il est littéralement esclave du Grand Ordinateur, celui qui est dans la pièce au fond que personne n'a le droit d'approcher et qui, parait-il, aurait la Climatisation. Le terminal le plus connu (en France), c'est le Minitel®. Dans les années 1960s, un terminal était le plus souvent un Teletype (une machine à écrire électrique, voire un télex s'il était branchable par téléphone. Teletype® est la marque commerciale du fabriquant de référence), avant que se démocratise les écrans à tubes.
Donc, les petits jeunes, il faut vous imaginer qu'à la fin des années 1970s, un terminal, c'était un gros bloc réunissant l'écran et le clavier. Ce qui veut dire que la largeur du clavier était limitée par la diagonale du tube de l'écran.

Continuons notre petite fable, là où nous l'avions laissé dans le précédent épisode. Des petites fées espiègles se relevèrent de leur terminal à tube cathodique et dirent à l'Ingénieur : « mais puisqu'on utilise plus des télétypeuses à papier, pourquoi on aurait pas le droit de déplacer le curseur comme on veut ? ». Faut dire qu'on commençait à se lasser de ⇥Tab, ⌫Backspace et de ↵Return maintenant que de vastes espaces ré-inscriptibles qu'on appelait “tubes cathodiques” annonçait le glas des terminaux télétypes avec leur criantes sorties papiers, on allait pouvoir songer à faire des feuilles de calculs !

Ce fut d'abord une fonctionnalité dévolue à des modifications de touches alphabétiques. Le “standard” de ces « caractères de contrôles non-imprimables » édicté par l'organisme ASCii était censé être en combinaison avec la touche ^Ctrl, avec une représentation linéaire sur les claviers. C'était déjà le cas avec les combos ⌈ ^Ctrl+H ⌋ pour aller à gauche et supprimer le caractère précédent, ce qui émulait la touche ⌫Backspace sur les terminaux qui en étaient dépourvus, ⌈ ^Ctrl+I ⌋ qui émulait ⇥Tab, ⌈ ^Ctrl+M ⌋ pour ↵Return. On y ajoutât donc ⌈ ^Ctrl+K ⌋ pour ↑monter et ⌈ ^Ctrl+J ⌋ pour ↓descendre.

Qué “standard” ? Moi, je suis le mouvement de mon fournisseur.

Néanmoins, les constructeurs/développeurs étaient farceurs à l'époque et firent fi du “standard” pour créer chacun une “norme” à leur sauce plus “commode”. On vit donc poindre une multitude de configurations de ce que j'appelle des “croix de lettres directionnelles” qui firent office de touches fléchées. Par exemple sur l'Apple II originel, les touches I/J/K/M après avoir basculé en mode curseur en appuyant deux fois Esc. Avec la “vulgarisation” des interfaces écran, arriva des touches spéciales, dédiées clairement sérigraphiées . Comme pendant très longtemps, les terminaux n'avaient pas tous des touches fléchées et que celles-ci ne renvoyaient jamais les mêmes codes au Grand Ordinateur (au grand dam des “comités de standardisation” genre ANSI qui sortaient chacun leur norme), le principe des “croix de lettres directionnelles” perdura en mini-informatique jusqu'à l'arrivée de la micro “pro” et du Démineur dans les bureaux.

Pourtant la configuration des lettres à flèches existe toujours, on fait même des claviers spéciaux avec les lettres “directionnelles” plus visibles car les FPS ont au moins standardisé ça.
Oui, j'ai mis des guillemets car cette popularisation était toute relative à cette époque glorieuse : on parle encore de terminaux qui valaient leurs milliers de Dollars, et dont le clavier était solidaire de l'écran, ce qui en limitait la largeur.

Ces touches fléchées furent elles aussi rassemblées, en général à la hauteur de la barre d'espace, sur le côté droit en dessous de la touche ↵Return. Néanmoins, tout le monde n'utilisait pas continuellement le bloc numérique qui venait d'arriver sur certains terminaux haut-de-gamme.

Prochain épisode, nous revenons aux chiffres : Un pavé numérique fait son entrée dans les foyers.