Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 12 Février 2011.
Kamimura, c'est un dessinateur maintes fois cité dans cette émission. Auteur de manga qui furent absolument cultes au Japon mais que nous découvrons en France que plus de 25 ans après sa mort : « Lady Snowblood » (dont l'adaptation cinéma inspira à Tarantino son « Kill Bill »), « Lorsque nous vivons ensemble » (et le désarroi de la jeunesse des années 1960s qui ne peut profiter de la libération sexuelle dans une société extrêmement codifiée) ou encore « Folles passions ». Une maîtrise graphique qui a fait date, au service de la Tragédie Humaine.
Cette fois-ci, point de femme fatale et fragile qui entraîne dans sa déchéance les hommes qu'elle aura pris dans les rets de l'amour. Non, celle d'un bambin qui doit avoir 6 ans, Kinta qui a pour seule famille son grand-père, dans le grenier à riz du Japon en 1945. Et le Japon vient de capituler.
C'est plus de 20 années de propagande non-stop du Grand Japon Conquérant, de culte de l'empereur entretenu par les militaires et les industriels qui se lézarde brusquement suite aux terribles bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki. Le discours de l'Empereur à la radio (les Japonais se prosternaient devant leur poste lors de telles allocutions) n'est suggérée que par un poème, lequel parle de l'émotion d'un peuple déboussolé.
Un bombardier tombe dans une rizière.
Alors que les habitants se préparent à une battue pour attraper/lyncher le seul survivant, le grand-père de Kinta va le voir sans armes, discute en Anglais avec lui et convainc les villageois de laisser tomber les armes. Après tout, la guerre est finie.
Les Américains commencent à occuper le pays, mais bizarrement, ils ne violent pas à tout boût de champ, et ils ont ce truc bizarre, le chewing-gum. Cela fait partie des milles et unes choses qui vont bouleverser tout un pays dont on a affirmé qu'il était le peuple supérieur pendant 20 ans. De même que le retour des enfants du pays partis au front, de ceux qui ont sacrifiés leur corps, leur vie au nom de l'empereur, et la confrontation avec ceux qui ont réussi à se faire porter pâle.
Pour les enfants, ce désarroi se trouve aussi à l'école. Les professeurs se retrouvent bien embêtés car tous les programmes scolaires sont à revoir, dans une optique “démocratique”. Que va-t-on faire ? Même apprendre aux enfants la chanson à la mode « Les cerisiers de l'époque » est devenue bannie car ouvertement militariste. Et les devoirs de maths... comment adapter les problèmes de consommation d'essence d'un chasseur Zéro en fonction de la distance... C'est toute une société dont la morale est déstabilisée.
Kinka l'est aussi. Après tout, sa mère est morte dans les bombardement Américains, et malgré son très jeune âge, il pourrait bien verser dans un fanatisme revanchard.
Dehors, il faut accepter que maintenant les Américains marchent dans les rues, approchent d'un peu près les jeunes femmes, tandis que tous les anciens combattants doivent se réinsérer dans la vie civile.
Le grand-père de Kinta qui fut un illustrateur apprécié avant les années 1940s, est rappelé par ses anciens éditeurs, et il reçoit aussi la visite d'un peintre connu, le grand maître Yanagawa qui va rester quelques semaines dans sa maison. Ce sont autant de découvertes pour Kinta, et peut-être le début d'une vocation...
... entre les jeux polissions dans les rizières et les forêts, ces moments de camaraderie qui font découvrir la violence, la bêtise et la sexualité... mais à 6 ans, cela reste encore bien innocent..
Le sous-titre précise « Images flottantes de la jeunesse ». À bien relire la bio de l'auteur, il devait avoir environ 5 ans au moment de l'histoire. C'est peut-être une autobiographie cachée, et elle montre que le monde innocent de l'enfant n'existe pas, même dans une société aux mœurs rigides, même dans une éducation militarisée.
Et qu'elle soit pure fiction ou une version romancée de sa biographie, Kazuo Kamimura nous mène encore une fois dans une œuvre troublante à la morale incertaine et vénéneuse.