Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 5 Mai 2012.
Neuf années depuis le premier tome, le retour de récit qui avait commencé dans le Cri du Margouillat, un prozine de l'Île de la Réunion d'où sont sorti un nombre remarquables de grands auteurs de BD. Preuve que dans ce petit bout de terre Française au milieu de l'Océan Indien, il y a une culture BD vivace.
C'est de là que sont sortis Téhem (« Malika Secouss », « Marie Frisson », « Zap Collège »), Li-An (« Planète lointaine », « Fantômes blancs »), Appollo (« Biotope », « l'Île Bourbon », « Commando Colonial »), et où ont collaboré Guy Delisle (« Chroniques Birmanes », « Chroniques de Jérusalem ») et Ronan Lancelot (ex rédac-chef de Fluide Glacial et collaborateur à ActuaBD).
Bref, quand on dit que le Cri du Margouillat est un titre méconnu mais foisonnant de la BD.
La première partie de « La grippe coloniale » avait obtenu le Grand Prix de la Critique ACBD 2004. Inutile de dire que l'annonce de sa suite était attendue par ceux qui l'avaient lu .
Fin de la Première Guerre Mondiale, l'Empire Français a envoyé ses enfants de la Métropole et Indigènes soutenir l'effort de guerre, et ils sont revenus, certains les pieds devants, d'autres les gueules cassées. Dans les tranchées, les Poilus sont allés au-delà de leurs origines différentes, des barrières sociales, et y ont forgé une amitié solide. C'est le cas de Camille, Évariste, Grondin et Voltaire.
Mais lors de leur retour à l'Île de la Réunion, ce petit bout de terre carrefour entre les Indes, l'Océanie et l'Afrique, ce n'est pas l'esprit Français victorieux qui domine, mais la Grippe Espagnole qui y fait des ravages.
Face à la mort, les hauts-fonctionnaires, les riches blancs, les pauvres blancs, les métis, noirs, hindis, chinois, tous sont égaux : ils tomberont malades et mourront. La pandémie de Grippe Espagnole de 1918 fera entre 30 et 100 millions de morts, bien au-delà des 10 millions de la Grande Guerre. Et elle se caractérisera par une contamination très rapide des populations et l'absence de moyens de luttes comme les vaccins.
Grondin et la belle Marie profitent de ses talents d'herboriste pour concocter et vendre un remède supposé efficace contre la grippe, un rhum arrangé aux herbes que des habitants paient au prix d'or. Évariste est missionné de collecter les cadavres laissés à l'abandon dans les rues, Voltaire rêve de revoir la belle Emma.
Bref, chacun survit comme il peut, mais ceux qui ont connu la guerre ne semble même plus s'offusquer de l'horreur quotidienne dont la ville de Saint-Denis est devenue le théâtre.
Le dessin semble guilleret, un petit peu parodique, ce qui désamorce les scènes horribles comme les tas de cadavres. Les expressions, le créole qui arrive par moments, donnent une réelle saveur aux dialogues.
Comme évidemment les auteurs sont locaux, le dessin est archi-précis, la documentation infaillible. Il y a à la fois le roman, mais aussi la reconstitution historique. C'est une BD qui donne un éclairage intéressant sur les colonies Françaises, les différentes populations qui ne se sont mélangées que par le fait de la Guerre, et aussi sur une maladie qui a fait bien plus de ravages que la Grande Guerre qui avait eu lieue en même temps.