Supplément Week-End, le magazine des cultures geeks Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 8 Juin 2013.

À mon humble avis, vous aurez du mal à comprendre cet album si vous ne connaissez pas un petit peu l'œuvre de Maurice Tillieux. Donc rapidement, une petite bio d'un auteur méconnu mais ultra-prolifique de la BD francobelge d'après guerre.
Il dessinait dans la plupart des styles, mais s'était montré très bon dans un style quasi réaliste. Pourtant, ce n'est pas en tant que dessinateur qu'il est le plus connu (quoique), mais plutôt comme scénariste. En fait, sa production est tellement vaste, que j'ai dû rouvrir le Larousse de la BD à son sujet. Et j'en découvre continuellement sur lui, moi qui croyait connaître son œuvre. Par exemple, j'ignorais qu'il a écrit quelques romans policiers, et c'est surtout dans ce genre qu'il va exceller.

Après avoir collaboré pour de nombreux magazines, dont Spirou, il entre aux éditions Heroic en 1947 où il crée le personnage du journaliste enquêteur Félix. Accompagné du distrait Allume-Gaz et de l’irascible inspecteur Cabarez, il résoudra de nombreuses affaires policières, des dois tournant à l'espionnage ou au complot politique. Un vrai polar mais avec beaucoup d'humour.
En 1954, il crée un nouveau personnage, Gil Jourdan, qui est à ce jour le plus connu. Et à tord ! Il se trouve que Maurice Tillieux ne s'est absolument pas embêté : il a bien souvent repris des intrigues qu'il a créé pour Félix, qu'il corrige, adapte, complète ou raccourci.

Sans compter qu'après, il a écrit pour des dessinateurs comme Will, Roba, Gos, François Walthéry, Roger Leloup, Leonardo. Il est intervenu comme scénariste sur un nombre incalculable de séries Dupuis, au point d'être le scénariste star du journal de Spirou entre 1966 et 1978.

L'album « M'sieur Maurice » n'est pas une biographie exacte, c'est romancé, rigolo, basé sur des témoignages de ses proches. Et c'est vrai que j'avais entendu qu'il avait une imagination capable de démarrer au quart de tour, capable de très étranges lubies comme s'intéresser à des docks de ports industriels plutôt que passer du bon temps en famille à la plage. Il faut dire que Maurice Tillieux aurait tenté le concours de capitaine de marine marchande avant de trouver sa voie dans la bande-dessinée.

D'ailleurs, de passage à Saint-Nazaire, il fera une crise de jalousie envers Hergé qui avait illustré le port dans « les 7 boules de cristal ». On le verra avec Bob De Moor dont il aurait emprunté le nœud papillon pour son personnage de Gil Jourdan, deux minutes avant le rendez-vous avec Dupuis, avec François Walthéry à qui il confiera que bien souvent, il ne savait pas comment terminer ses intrigues, ou encore avec Will avec qui il vent à son éditeur que le fait de passer un week-end à Londres lui permettra d'étoffer un script, qu'il n'a pas du tout écrit.

Et là, on mesure son génie : capable de rebondir en moins de deux minutes sur une histoire complète alors qu'il n'a strictement rien préparé.

L'album n'a pas hérité du génie de la lisibilité de Tillieux. Mais il donne sérieusement envie de relire son œuvre.