Sud Web 2014 s'est terminé après deux jours de prolongation et je n'ai pas encore le blues.

Sud Web est pour moi, une conférence indispensable : On vous parle de retours d'expériences, de technologies qu'on a testées, mais aussi de soi et d'être bien au travail. Je l'ai déjà dit, et plus d'une fois.
Sud Web est un séminaire de professionnels qui font se déplacer des gens aux CV étourdissants. L'événement est monté par des travailleurs du secteur qui le font en bénévoles. Oui, malgré les sponsors prestigieux, tout est affaire de volonté.

D'ailleurs, la “Thym” organisatrice a dépensé une énergie formidable, capable de répondre au moindre imprévu, comme le défaut d'un prestataire. J'aurais su pour leurs soucis d'imprimeurs, je n'aurais pas publié mon billet sur les stickers. Heureusement que l'agence X-Prime en offrant des planches de stickers a sans le vouloir pallié ce manque ;)

Gros merci à Thanh pour sa dédicace si personnelle sur mon passe, j'ai adoré :D

Point of view

Comme d'habitude, mon résumé n'engage que moi. Les retours, la page Lanyrd et le pool photo sur Flickr en dira bien plus que moi.

Je suis venu costumé à la fois pour rappeler que nous sommes en guerre sans le savoir, mais aussi pour célébrer notre côté artistique. Et j'étais pas le seul car les chaussures de Vanessa Ilmany étaient aussi en fête.
J'ai aussi eu le bonheur de retrouver ou de rencontrer Christophe “STPo” Andrieu (qui vient de découvrir « Bakuman »), Boris Schapira, Morgane Hervé, Thomas Parisot (fallait me filer une photo de toi moins jeune), Delphine Malassingne, Loïc Mathaud, Hteumeuleu,… Tous de précieux « amis de 5 minutes par an », avec qui nous discutons régulièrement tout au long de l'année, mais que nous ne voyons que trop rarement.

Merci à Tom de m'avoir offert « Intégration web : les bonnes pratiques » de Corinne Schillinger, ma contrôleuse du Train de 13h37, et à Ludovic Hirlimann de m'habiller aux couleurs de Mozilla. Promis, je change mon avatar d'ici ce week-end.

Nous avons bénéficié d'un week-end très ensoleillé. Le lieu de la conférence, la salle Vanel offrait un magnifique panorama jusqu'aux Pyrénées, et aussi une très belle terrasse ensoleillée où lézarder pendant les pauses. Les prolongations du dimanche étaient encore baignées de soleil. Bref, on était a band apart.

Un temps à ronronner dehors

C'était au programme, et plus encore

Sud Web est aussi, pour moi, une conférence particulière car elle invite l'orateur à l'humilité. L'orateur n'est pas sur une estrade mais au même niveau voire en contrebas du public. Il n'est donc pas placé au-dessus, il se retrouve inconsciemment accessible.
Bon, pour cette année, cela créait des petits soucis de visibilité, ce qui était dommage, tout le monde n'a pas vu les pieds qui se découvraient.

Cette année, le programme était éditorialisé en avance. Il y eu une cohérence, des orateurs intégraient des éléments de leurs prédécesseurs, tout en ayant permis de belles découvertes par les lighting talks intelligemment perlées tout au long de la journée du Vendredi.

Il y a eu cette idée formidable d'aller vers le dessin, avec la performance de Romain Couturier qui illustrait les conférences et les exercices de dessins pour tous par Eva-Lotta Lamm (qui citait Scott McCloud), dont je jalouse désormais ses collègues chez Google. Nous avons aussi eu de vrais moment de poésie avec Cécile Habran qui a eu la chance de ne pas s'encombrer d'IE6 et s'est appropriée le SVG avec fraîcheur pour raconter trois histoires différentes suivant votre largeur d'écran. Ou encore Samuel Huron qui met de la folie dans les graphiques, avec la précipitation/sédimentation comme une chute de neige, une manière très différente d'aborder la visualisation de données.

La trousse de Romain

Pour mesdames, il y eu un début de strip-tease chic avec Kaelig Deloumeau-Prigent arborant ses chaussettes, suivi de David Bruant, pieds nus. Ils sont restés professionnels jusqu'aux heures des boîtes de nuit.
Tout aussi décalé mais intelligent était l'atelier cagettes et carton, pour se construire des supports et accessoires avec de la récup. Voilà qui est loin de nos univers high-tech et abstraits, et pourtant qui nous font changer de perspective dans notre travail.

Mais outre les autres conférences, LT et ateliers d'excellentes tenues, j'aimerais revenir sur la dernière conférence.

Pablo Pernot est un ami formidable, un musicien talentueux, un coach agile persuasif mais surtout un très bon orateur. Forcement si je passe autant la brosse à reluire, c'est que je ne vais pas être tendre… Pablo a fait un petit sketch pour la fin de la journée de conférences, menant à la “traditionnelle” conférence exutoire/crève-abcès. Il arrive à remonter toute une équipe et à redonner foi en l'humain. Et pour conclure cette journée que Kevin Goldsmith a ouverte en parlant de culture d'entreprise chez Spotify, Pablo demandait aux participants leur réelle motivation à faire notre boulot.

D'où vient l'épanouissement technique ? David Bruant et Pablo Pernot de Sud Web sur Vimeo.

Mais il oublie une chose :

Nous sommes les 1%

Oui, nous sommes des privilégiés : nous sommes tous ressortis de Sud Web plus riches, plus intelligents et dans des conditions luxueuses. Et comme tout élite, habemus principes. Mais ceux qui vont à ce genre de conférences ou de soirées ne représentent qu'1% des professionnels du web.

Le résumé graphique de la conférence finale du Vendredi, illustré en live par Romain Couturier.

Quand tu demandes au public de Sud Web ce qui fait qu'on est contents de notre métier, c'est à ces 1% de “privilégiés” que toi, Pablo tu t'adresses, tout comme moi dans ma conférence à Paris Web où je leur demande de se bouger politiquement. Cela ne veut pas dire que les 99% ont tort, leur point de vue est tout aussi valable.

Les 99% autres ne viennent pas et ne viendront pas à des conférences ou des soirées communautaires autrement que par une contrainte :

Certains font leurs heures de travail, et ne voient leurs activités professionnelles que comme une contrainte. Ils refusent de passer une seule heure supplémentaire non-payée, alors ne parlons pas de venir se former. En général, leur travail est dans le sens originel du terme (c'est à dire torture) nécessaire pour se payer leur vie. J'en connais un qui travaille dans une start-up formidable, mais passé 18h, prrrrt, il fonce vers sa ferme voir ses vaches, ses poules et sa famille (précision utile, je connais votre esprit retord).

D'autres ne peuvent par leurs propres contraintes familiales. Ils/elles vivent en commun avec une autre personne, qui souvent elle/il travaille aussi. Ils ont des enfants, qu'il faut récupérer après les heures bureaux pour s'en occuper. Bref, ils ont une vie familiale qu'ils ne peuvent ou ne souhaitent pas sacrifier même pour une bonne soirée de blagues professionnelles. J'avais beau motiver mon équipe de l'an dernier, ils étaient à fond partant, mais étant tous avec des enfants, forcément, ils ne pouvaient venir en même temps, à moins de coordonner leurs compagnes/compagnons plusieurs semaines à l'avance.

Je connais aussi un nombre assez important de professionnels qui sont timides, qui ne s'estiment pas à niveau ou qui sont complètement démotivés. Et qui ont peur d'aller à la moindre soirée communautaire. Parce qu'ils sont brimés dans leur milieu professionnel, qu'ils ont le syndrome de l'imposteur ou que tout simplement ils n'osent pas approcher les autres. Souvent ils travaillent dans des entreprises qui dévalorisent leurs métiers, des patrons tyranniques de PME ou des SSII qui vendent du bras à louer en oubliant de mettre en avant les intelligences.

J'ai eu plus récemment un cas pire, hallucinant, improbable : La hiérarchie qui déconseillait à ses troupes d'aller à ce genre de conférences où sont (forcément) présent des concurrents, de peur que soit ils bavardent trop, soit ils se fassent recruter. Ce genre d'intimidation existe, et il prouve bien malheureusement, comme le cas précédent, qu'en France beaucoup trop d'entreprises refusent de valoriser leurs équipes. On n'avait pas besoin du rapport de Tariq Krim pour comprendre cette lapalissade : une trop grande partie des managers du secteur fonctionnent par la servitude.

J'ai eu aussi plus d'une fois la situation complètement inverse : la personne a les moyens et est d'un très bon niveau. Mais qui estime qu'il n'a pas de temps à perdre dans ce genre de conférence qui ne sont qu'auto-congratulations, puisque l'ensemble des ressources sont sur internet, et qu'il n'a rien à partager ou à célébrer. Un comportement qui me surprend aussi, une de ces personnes est techniquement très forte, mais du coup, était relativement peu connu dans la région pour ses capacités, puisque tel le loup blanc, il n'était quasiment pas vu. Heureusement pour lui, son carnet de commande est bien plein.

D'autres pour des contraintes financières ou temporelles. Mes 4 premières éditions de Paris Web, je ne les ai vues que par streaming. Parce que j'étais indépendant, et que je ne pouvais prévoir 3 mois à l'avance si j'aurais à la fois la disponibilité et les moyens financiers. Par contre, il y avait une certaine volonté, ce qui met ce cas un peu à part. Mon premier Sud Web fut en orateur. Et cette année, le DIF a permis la présence en masse de PayZen, rendant la réservation en dernière minute encore plus impossible.

Bref, Pablo

Photo Brice Favre

Oui, nous sommes une caste de privilégiés, nous sommes les 1% visibles de l'industrie du web, car nous nous en donnons les moyens, et que nous avons un luxe incroyable de pouvoir participer, voire organiser ce genre d'événements. Et malheureusement, je doute qu'on arrive rapidement à en inverser la vapeur.

Dommage, car moi aussi, je ne demande que ça.

[EDIT] : Le débrief et surtout l'excellente réponse de Pablo est sur son blog