Bonjour à toi enfant du futur immédiat, à toi qu'on espère te léguer un monde plus libre, plus jouasse, plus honnête et donc plus propice aux vidéos de petits chats qui font les fous-fous en se chassant dans les cartons.
Aujourd'hui, nous allons parler de libertés. Libertés logicielles, Libertés d'usages et Libertés citoyennes dans l'espace numérique. Seulement nous avons préparé cette release avant les attentats terroristes du Vendredi 13 Novembre dernier, et surtout avant la proclamation de l'État d'Urgence. Nous sommes donc en plein dans l'actualité, mais décaler le sujet serait en nier son importance pour la vie de tous, tous les jours.
Dans une release précédente, nous t'avions parlé de politique. Je t'y contais l'histoire de l'EFF, l'Electronic Frontier Foundation. Une association Française a les mêmes buts, mais avec des moyens plus modestes : La Quadrature du Net compte défendre et garantir les libertés sur l'espace numérique au niveau politique.
C'est ainsi qu'elle combat le troll dans son incarnation totémique : la loi bullshit vendue emballée dans un joli papier rose avec des noms évocateurs comme « Lutte contre le pédo terrorisme » « Contrôle des anarchistes nazi » « Défense contre les méchants lanceurs d'alertes ultra-libéraux » et mon préféré « Éradication de l'évasion fiscale des RMIstes fraudeurs ». Non, sur ce dernier je déconne, on va quand même pas faire du populisme outrancier.
Dernière en date, la surveillance électronique globale de la population serait La solution miracle
. Elle permettrait de détecter des suspects
. Sauf que sur les 10 dernières années, les assassins qui ont perpétré des attentats en France étaient déjà tous fichés comme dangereux par les services de Police.
Le défaut de la surveillance globale, c'est qu'elle augmente considérablement le nombre de faux positifs, donc de personnes innocentes vues comme suspectes. Elle ajoute du foin quand on cherche une aiguille dans une meule... de foin. Or, ce que demandent le Renseignement intérieur et les services de police, c'est pas plus de suspects, mais plus de moyens pour enquêter sur le terrain, pour surveiller plus précisément ceux déjà fichés.
Les États-Unis consacrent un budget largement plus hollywoodien à la surveillance globale, mais sont toujours incapables d'empêcher les attentats à la bombe lors du Marathon de Boston, ni les tueries hélas sinistrement régulières. [Note : l'enregistrement a eu lieu juste après une précédente tuerie].
Alors j'ai cherché des raisons moins avouables mais nettement plus vraisemblables pour instaurer la surveillance globale de l'ensemble des citoyens. De là, j'ai établi un classement. Or qui dit Classement
, dit Top
, et qui dit 5
dit ...LE TOP CINQ:
- Parce que cela peut toujours permettre d'inculper n'importe qui à n'importe quel moment. Songez à Nicolas Sarkozy dans l'affaire Bettencourt. Lui qui justement militait pour que les écoutes globales constituent des dossiers judiciaires, le voici marri.
- Parce que c'est un marché stratégique, donc il sera forcément passé à une grande entreprise privée, où on est assuré d'être embauché une fois l'heure de la retraite de haut fonctionnaire venue
- Coluche disait « la dictature, c'est ferme ta gueule, la démocratie c'est cause toujours », mais réduire les voix discordantes, c'est trop tentant. Suffit de dire aux petits électeurs qu'on sait ce qu'ils font à 23h le long des berges du Canal.
- Parce qu'on peut toujours vendre l'accès au fichier à une compagnie d'assurance où à un vendeur de meubles suédois. Et même si c'est interdit, pas vu, pas pris
- Parce qu'on ne sait jamais, on pourrait se retrouver à collaborer avec un autre pays Européen, en tout franche camaraderie. On repartirait dans l'échange de fiches aux motifs vichy comme en 40
Comme la Surveillance Globale ne fonctionne vraiment pas, le dernier dada de nos gouvernants est de vouloir interdire le chiffrement des communications. Et tant pis si on rend possible le piratage de transactions bancaires ou de serveurs.
Affligé devant les prétextes alignés depuis 10 ans, j'ai pensé à nos amis du Ministère de l'Intérieur : j'ai cherché des prétextes plus honorables et sans utiliser les motsnazi,
terroristesou
pédophiles. J'ai fait le tour et comme je suis flemmard, j'ai fait un classement et j'ai réutilisé le même jingle que pour... LE TOP CINQ
Il faut interdire le chiffrement parce que :
- C'est pas ça qui résoudra le chômage, monsieur ! Z'avez vu comment il monte ?
- L'algorithme RSA n'est pas une technologie certifiée NF et proposée par Matra Thomson
- Bitcoin favorise l'évasion fiscale
- Les chiffres sont arabes, ils ne sont pas issus de notre culture judéo-chrétienne
- Chiffrer/Déchiffrer utilise beaucoup d'énergie, c'est une menace planétaire par le réchauffement climatique. Avec la COP 21, nous avons mené l'initiative de circonscrire ce dangereux danger.
Les prétextes à la con pour passer une loi scandaleuse, c'est comme l'after-shave : faut en mettre pour calmer le feu du rasoir, mais pas trop, sinon ça pue.
Enfant du Futur immédiat, comme il faut beaucoup de moyens pour sauvegarder ta liberté de regarder en stream vidéo sur internet des chatons qui font les fous-fous en se chassant de cartons en carton, je crains bien qu'il ne te faille user de ton droit de téléphoner à ton député, et plus d'une fois cette année.