Le gars était plus que convaincu que tout le monde allait en vouloir un, que voir son correspondant est strictement indispensable (en Italie, sûrement, mais moi, je m'en passe fort bien), qu'on allait surfer avec des débits dignes de l'ADSL, et que c'était pas si cher que ça.

Moi qui suis loin d'être un techno-septique, j'étais loin de partager le même enthousiaste fanatique que ce gars qui me tenait la jambe au bar, lors de la dernière soirée drum'n'bass de l'année. Mais bon, je me disais que l'avenir me donnera tort, qu'après tout, en tant que geek, je ne pourrais que céder et que mes arguments sont purement suggestifs. D'abord, même si en France, un large public aime se faire remarquer (merci à eux d'ailleurs pour mon chèque de fin de mois), je doute largement du succès en Europe de la visiophonie portable. D'abord, on a pas forcément envie de montrer à tout bout de champ où on appelle ou qui vous appelle, la visiophonie étant particulièrement problématique pour la discrétion. Ensuite, il y a le problème des portables en question : Ils sont nettement plus gros, plus voyants et onéreux que les téléphones à écrans couleurs 2,5G haut de gamme. Le sortir en pleine rue fait déjà craindre de participer à la grande loterie du vol à la tire. Au Japon, la criminalité quotidienne est largement moindre que sous nos longitudes, sortir un portable coûteux dans le métro est un exercice obligé pour montrer sa réussite sociale. Faut savoir qu'au Japon, le cycle de vie d'un appareil électronique est largement moindre qu'en Europe : on jette sa chaîne Hi-Fi tous les ans. Vu le niveau de vie, sans possibilité de dépenser, on a toutes les raisons de se lâcher. Les portables sont très fortement subventionnés par les opérateurs, ça incite à le changer souvent. Les appels traditionnels sont hors de prix par rapport aux standards tarifaires européens, mais par pour les services datas. Bref, là où en Europe, la 3G est bourré d'inconvénients, les Japonais s'en foutent. Bande de drogués technophiles.

C'est moins d'un mois après que j'ai la parfaite démonstration que cette techno est torpillée à peine née, que peu d'efforts de commercialisation seront faits. Mon patron me convoque d'un téléphonique “Passe !” dans son bureau. Il me confie un Motorola E1000 avec abonnement SFR 3G :
« Puisque tu aimes bien ça, tu va me le paramétrer, parce que j'ai pas tout compris...
- Oh c'est gentil ! Merci pour le cadeau ! »
pas d'ADSL, tu veux du Minitel à la place ?Je tourne moi aussi en rond pendant un certain temps. Il faut dire que dans la boîte est fournie une carte Flash SD, or je n'arrive pas à trouver où est son emplacement. D'autant plus troublant que sur le manuel, l'illustration est prise d'un autre modèle de téléphone. Bon ça, je laisse tomber. Je tente de m'appeler, pas de problème. Je reçois même un SMS (que je n'arriverais pas à lire à cause d'un “Problème logiciel”), et visiblement le téléphone a déjà eu une puce, puisque le carnet d'adresse contient des adresses personnelles. Mais toujours impossible d'utiliser le wap. Je fais un provisionning (sur le site SFR, on me propose “GSM” ou “GPRS”... inquiétant, non ?), j'ai ce message (à droite) qui induit légèrement en erreur : “ Réseau GRPS indisponible “. Au prix du terminal, je vais super bien profiter de l'affichage si je surfe en CSD/GSM, soit 100 fois moins vite que le débit minimal promis. Après moult coups de fils avec la commerciale en charge de la flotte de mon employeur et du service client (gros, demi-gros et sans détails), j'ai enfin compris pourquoi : L'abonnement du téléphone qui m'a été confié est en option UMTS, mais pas GPRS ! Or, avec la porteuse UMTS, tu peux pas aller sur le wap avec : La porteuse 3G est (selon SFR) réservée uniquement pour la visiophonie. Pour le wap, il faut un abonnement data GPRS.

Devant mon silence incrédule, la télé-opératrice me fait :
« Mais vous pouvez appeler en visio
- Oh oui, bonne idée, je vais retrouver le numéro d'un ami au Japon qui a un Foma
- Euh... hmmm... [ très génée ] ça marche pas encore en dehors de SFR »
Le contraire m'eusse étonné. Vodafone™ Live® 3G, je parie que plein de gens vont trouver ça particulièrement nul et attrape-gogo.

Mais la farce ne finit pas là : Je demande bien évidemment à ce que nos abonnements SFR-3G aient le complément Data. Eh ben figurez-vous que pour qu'ils soient activés, dans le cadre d'une flotte d'entreprise, il faut attendre le prochain jour “mensuversaire” de la signature du contrat. Vous avez compris ? Je vous la refais : ma demande du 10 ne sera honorée que le 21. T'es super malheureux si tu le demandes un 3 Avril et que ton contrat est daté d'un 31...

Que SFR se foute régulièrement de la gueule de ses clients particuliers, je le savais de très longue date (mon opérateur, Bouygues, a au moins la politesse de le faire pour tous, cf les remboursement de la panne de Décembre et du 1er Janvier). Mais qu'en plus les grands comptes, ayant une flotte supérieure à la centaine de portables, et ayant des forfaits fortement assaisonnés soient encore moins bien lotis, ben là, y'a de quoi se poser de nombreuses questions sur la gestion de cette boîte. Bof, comme disait le regretté Coluche : « M'en fous, tant que je gagne, je joue ! ». Il en aurait à dire sur cette situation ridicule. Et surtout frustrante vu la complexité de certaines fonctions.

Conscients que les débits promis/vendus ne seront jamais atteints, les opérateurs et les équipementiers ont lancé un label "Super 3G". Feraient mieux de balayer devant leur porte avant, parce que celui qui voudra se servir de son téléphone 3G comme modem d'appoint pour son ordi portable va être extrêmement déçu. Alors, quand The Feature compare la 3G avec le flop (technique et commercial) de l' ISDN, on rigole par avance des sommes astronomiques qu'ont pu soutirer les États en guise de licence sur cette techno. La bulle dotcom n'a pas fini de gicler, il reste la petite goutte 3G.