Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 1er Décembre 2007.

Restauration Meiji (deuxième partie du XIXème siècle). Le Japon qui avait prôné l'enfermement à la culture étrangère, se voit obligé de s'intéresser aux bienfaits de la civilisation Occidentale importés par les Américains et les Européens. Les samouraïs sont au chômage, le shōgun n'occulte plus l'empereur, le règne féodal abandonné pour l'ouverture au mode de vie Européen. Le peuple vit dans la misère d'une crise économique, suite à l'inflation du budget de l'armée, car l'archipel a des envies d'ouvertures... conquérantes.

Sayo Kaji est la prisonnière n°701. Violée pendant trois jours par les bandits qui ont assassiné son mari et son fils sous ses yeux, elle avait décidé de laver son honneur dans le sang. Elle tuera le premier sur les quatre, mais se fit prendre et enfermer à vie dans une prison de femmes, alors qu'une envie irrépressible de vengeance consume son esprit. Elle la mènera à son terme par la plus vicieuse des manières. Elle se fait mettre enceinte par l'aumônier de la prison, et confie l'éducation de son enfant à d'autres co-détenues qui ne sont pas condamnées à vie. Avec pour mission d'apprendre à son enfant à tuer. Pour que le bébé assassine à tout prix trois personnes.
Yuki (“Neige”) est une jeune femme à la beauté fascinante et vénéneuse. Et tel que l'a décidé sa mère, son destin est de semer la mort sur son passage.

Maniant aussi bien les armes que son corps, son habileté et son intelligence acérée en font une femme absolument dangereuse, qui ne connaîtra le plaisir que dans l'assassinat. Meiko Kaji est une héroïne à l'âme parfaitement noire. Et dont on ne sait jamais exactement comment elle va mener à bien chacune de ses mises-à-mort. Certaines se montreront particulièrement tortueuses.

Dans un Japon qui saute brutalement 5 siècles en moins de 30 ans, sa vendetta ne peut être couvert que grâce à des amitiés particulièrement douteuses. Quant à son éducation d'assassin, il semble aussi doublé de celui d'une geisha, une femme artiste ayant de bonnes manières mais qui n'est pas issue de la noblesse ou de la bourgeoisie. Une tradition de bien désuète au moment où l'Empire du Soleil Levant va entrer dans une phase d'expansion militaire. Maculant de sang la blanche neige, Lady Snowblood règle les comptes avec un passé qu'elle n'a pas connu, dans une vengeance meurtrière et esthétique.

La femme fatale qui n'a pour raison de vivre que de tuer une liste bien définie de bandits, c'est bien évidemment l'intrigue qui inspirera « Kill Bill » à Quentin Tarantino (qui a d'abord été marqué par les adaptations cinématographiques). Et il faut dire que ce bouquin est bourrée de planches au graphisme époustouflant, des scènes d'une beauté envoûtante dans les ambiances, les décors,... mais aussi des combats à l'esthétique implacable, où même les geysers de sang sont beaux, bouquets finaux de passes d'armes homériques, ponctuant ces images quasi-photographiques où les corps des adversaires tués d'un seul geste sont encore suspendus en l'air jusqu'à ce que la fine breteuse intime le silence à son katana.
C'est le chef d'œuvre dessiné par Kazuo Kamimura avant qu'il ne meurt d'épuisement à 45 ans. On y trouve bien sûr le graphisme d'une certaine ligne Tezukienne, qui fut la signature des manga des années 1960s, mais avec à la fois la noirceur du film de sabre ensanglanté et l'admiration des estampes traditionnelles. Le scénariste Kazuo Koike fit l'adaptation de sa manga au cinéma, puis « Golgo 13 » et « Lone Wolf and Cub » (aka « Baby Cart » au cinéma que regarde The Bride à la fin du deuxième « Kill Bill ») dessiné par Goseki Kojima, puis « Crying Freeman » (encore une histoire de vengeance tragique) dessiné par Ryoichi Ikegami, avant de devenir en 2000 professeur et recteur à l'université de Lettres d'Osaka. Le site personnel de ce scénariste exceptionnel est accessible en anglais.

Et alors, je vous le donne dans le mille ! Vous savez qui a signé l'introduction de ce premier tome ? Jean-Pierre Dionnet. Décidément...

Pour l'anecdote, la chanson qui clos le volume II de « Kill Bill » est interprétée par une certaine Meiko Kaji,... qui est le nom de Lady Snowblood (Plus exactement, c'est la chanson de l'adaption cinéma, paroles écrites par Kazuo Koike).