J'ai toujours considéré Médiamétrie cyniquement : une entreprise à réduire les gens en caricature. Oui, oui, en tant qu'homme des médias, Médiamétrie ne me fait pas peur, mais rire tellement qu'ils sont désespérants. Médiamétrie est une entreprise qui recrute ses salariés sur leur habileté à gérer leur pathologie psychiâtrique à classer l'individu dans des cases arbitraires. Un peu comme si votre boulangère devinait ce que vous lisez en fonction du pain que vous achetez. C'est un travail à peu près aussi réaliste qu'astrologue de Télé 7 Jours.
J'ai déjà parlé précédemment de leur fantastique pertinence sur leur analyse du web. En tant qu'ancien salarié de radio, je connaissait déjà leurs techniques de manipulations de nombres.

Tout à l'heure, alors que je faisais du tri de fin de journée, j'ai un coup de fil d'une sondeuse de Médiamétrie. Le sujet, mon écoute de la radio. Par curiosité, je voulais voir si les critères ont changé, si au moins ils se remettaient en cause, si leurs questions sont pertinences et les réponses écoutées. Il se trouve qu'elle voulait connaître mes habitudes d'écoute de radios musicales.

On peut difficilement dire qu'ils se montrent brillants.

D'abord il me demandent si je suis bien dans la tranche d'âge 18~40 ans. Ensuite ma localisation géographique (ça sent la demande de confirmation, et j'ai l'impression qu'ils ciblent sur les grandes métropoles).
Combien de temps j'écoute la radio par semaine (ça oscille entre 6 et 20h par semaine). Et quelles radios que j'écoute. Je répond franchement :

Mon interlocutrice me demande même pas d'épeler les noms, j'imagine qu'elle les rentre même pas dans son terminal, et qu'ils entrent dans la poubelle marquée “réponse non-significative”. Ensuite, pour « cerner mon écoute musicale ». Elle me cite les noms suivants :

  • Virgin Radio
  • RTL2
  • NRJ
  • Chérie FM
  • Nostalgie
  • Fun radio
  • Skyrock

7 formats de radios dans lesquelles je ne me reconnais absolument pas, qui ne programme qu'entre 80 et 120 titres musicaux différents sur l'ensemble de la semaine (je rappelle que mes estimations concernant FMR dépasse le millier).
Me réduire moi, ma génération, les jeunes adultes en France, et la richesse musicale de nos cultures à d'aussi mauvaises radios, avouez que c'est franchement insultant. J'achète 8 à 10 CD par mois, suis-je un consommateur insignifiant pour l'industrie musicale ?

N'oubliez jamais : Médiamétrie (racheté par le leader américain Nielsen Ratings) ne fait de la mesure d'audience uniquement pour ses clients. Et ceux-ci ne s'en servent que pour une chose, valoriser leur espace publicitaire.
Ce n'est donc jamais au programmateur musical que s'adresse ces chiffres mais au commercial de la régie pub et à ses clients. Des tout-fraîchement issus d'écoles de commerce, pétris d'idées pré-conçues sans aucune expérience ou recul, qui ont fait radio comme ils auraient fait dentifrice chez Procter&Gamble ou chef de rayon au Prisu, prêts à faire des choix parfaitement erronés. Celui qui décide des disques est insignifiant dans ces “radios”, qui appartiennent à de grands groupes industriels audiovisuels. Ceux qui adorent vous prendre pour des cons parce que financièrement, c'est plus simple.

C'est pour ça que Médiamétrie oublie les radios associatives, les indépendants, les locales et le service public. Parce qu'ils ont fondamentalement besoin de caricaturer plutôt que de dresser un portrait réaliste de l'audience. Car le but est de flatter leurs clients plutôt que leur faire comprendre que se limiter à 100 titres de musiques différents par semaine est stupide, que limiter leurs choix aux 4 grandes majors musicales en snobant les indépendants, c'est ridicule, et qu'ils ont sérieusement besoin d'ouvrir les fenêtres. À l'ère du stream et du podcast, la radio se meurt d'être un produit fade.

Si jamais vous avez ce genre de coup de fil, n'oubliez pas que si vous osez dire “peut-être” ou “parfois” sur une seule de ces “radios”, votre écoute est comptabilisée à 100% pour ces robinets à pubs. Donc ne répondez jamais autrement que par la négative. Ou répondez par les radios associatives, ou si vous connaissez pas, France Culture, France Musique, RFI, FIP. C'est comme quand vous laissez la télé allumé (c'est mal), mettez Arte par défaut.
Quand nous serons un “nombre significatif”, ça fera mal à ces “grandes radios commerciales” que leur programmation tient en une clé USB de 128Mo, quand on en est à plus de 4Go.

Allez, je vous laisse, c'est l'heure de « La boîte à musique » de Jean-François Zygel, et je louperais ça pour aucune Star-Ac au monde...