Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 14 Janvier 2012.
On est un peu dans le style de « Phénix » : Une collection d'histoires courtes à travers les âges, se terminant toujours par un drame, et avec un nombre restreint de personnages principaux en fil conducteur. Mais la thématique est l'amour et la folie.
À vraie dire, en postface, Tezuka explique pourquoi cette thématique. Le Japon, depuis le début de l'ère Meiji, s'est imprégnée des mœurs prudes de l'Occident : par exemple, les bains publics ne sont plus mixtes. Mais en 1967-1968, est conduit un débat sur l'éducation sexuelle des jeunes.
Go Nagai avait déjà commencé à érotiser certains de ses personnages. Il n'était pas encore le créateur de « Mazinger Z » (« Goldorak » pour la France), mais on imagine que cette initiative faisait déjà débat. Tezuka voulait aussi intervenir dans le débat, d'où cette série. Il remettra ça deux ans plus tard avec son dessin-animé « Cléopâtre », ouvertement érotique. Néanmoins, il était en pleine période de crise pour sa société Tezuka productions, à la fois financière et aussi avec une partie des salariés (cette situation est racontée dans son autobiographie composée), ce qui se ressent dans « Le chant d'Apollon » par son côté très noir.
Alors venons-en au destin de Chikaishi Shogo, le personnage principal. Un jeune garçon violent et sadique, qui prend un malin plaisir de tuer les animaux, surtout quand ils sont en couple, et un seul pour briser le cœur de l'autre. Sa mère est une fille de joie, qui donc monnaie son corps auprès de différents messieurs. Chikaishi était donc vu par sa mère comme une gène, et a été traité comme tel. Évidemment, il ne connaît pas son père.
Devant son comportement déviant et dangereux, le directeur de l'hôpital psychiatrique décide de le soumettre à une suite d'électrochocs. Le traitement est brutal et Chikaishi va croire qu'il va mourir. Il sera confronté à la déesse de l'Amour, qui pour le punir, lui promet un destin digne de Tantale : il aura milles réincarnations, et il connaîtra l'amour, mais dès que cet amour se manifestera, soit lui, soit la fille aimée mourra instantanément.
Est-ce une illusion ? Est-ce vraiment une malédiction ? Tout porte à croire que les deux réponses sont justes. Et bien rapidement, Chikaishi va se rendre compte qu'il est toujours amoureux du même visage, qu'elle soit une juive déportée alors qu'il est SS, d'une photographe alors qu'il est pilote, d'une reine surhumaine alors qu'il est esclave.
Et toujours ce même destin fatal qui le frappe encore et encore, de même que ses pulsions haineuses et meurtrières qui peuvent le reprendre à n'importe quel moment.
L'érotisme, honnêtement, il y a en a pratiquement pas. Par contre, la lecture des planches est un vrai régal en terme de mise en scène et de citations : Un fugitif qui court dans une ville peuplée de voitures, des personnages fuyant dans des cases inclinées à 90°, les idées de mise en page, de mise en scène ne manquent pas. Le tragique prend aux tripes, les montées de violence sont angoissantes et la maîtrise de Tezuka font que même si ces histoires ont 40 ans, nous avons encore beaucoup à en apprendre du Dieu du Manga.
Évidemment, contrairement à « Astroboy » ou au « Roi Léo », ce n'est pas franchement une manga pour enfants, mais plutôt pour ados.