Chronique lue en direct dans l'Hallucinarium FMR du 27/05/2015.
Avec Marie Janote et Eugène Lawn. Réalisation : Gabriel Cagnin et Tristan Chauvet.

Bonjour à toi, enfant du futur immédiat, toi qui nous écoutera dans quelques secondes, le temps que le flux du son rebondisse depuis les Marins d'Eau Douce jusqu'à notre émetteur.
Oui, nous sommes en direct aujourd'hui devant le public du festival Le Week-End des Curiosités, où nous pourrons découvrir ce soir des groupes peu connus comme I Me Mine, Triggerfinger (annulé pour cause de panne de courant) Electric Octopus Orchestra ou Placebo.

Et si j'ouvre un dictionnaire au mot Placebo, j'y lis :

Placebo
1) n.p. Groupe anglais de musique pop originaire de Londres, fondé en 1994 par Brian Molko et Stefan Olsdal. Synonymes : Pulp, Radiohead, New Kids On The Block
2) n.m. Se dit par abus de langage d'une substance sans principe actif mais qui, en raison de son aspect ou de rumeurs à son sujet, peut agir par un mécanisme psychologique sur un sujet croyant prendre une substance thérapeutique. Synonymes : Homéopathie, énergicien magnétopathe, Doctissimo

L'effet placebo n'est pas connu exclusivement du domaine médical. Il se trouve qu'on se sert de ses principes pour la Sécurité Routière.

C'est un petit secret très peu connu, mais quand tu appuies un bouton d'appel d'un passage piéton, ils n'ont pas tous un effet.
Effectivement, certaines de ces commandes s'allument bien, mais que tu aie appuyé ou non dessus, le feu piéton passera forcément au vert selon une temporisation programmée. Cette petite astuce a tendance à éviter que des gens se décident à courir sur le passage piéton alors que le feu est vert pour les voitures.

Ce hack existe aussi dans le monde informatique, mais sous des formes légèrement différentes.

Ainsi, quand Apple remplaça le système Mac OS classique par Mac OSX, les développeurs de Cupertino ont mis en place une petite feature. Nous connaissons tous la roue qui tourne, t'intimant l'ordre de patienter et qu'il est inutile de cliquer une fois de plus pour lancer l'effet. Dans les premières versions de Mac OSX, à une époque où les disques durs étaient nettement moins vifs, l'apparition de la fenêtre de l'application appelée accusait un délai de 2 secondes. Cette attente volontaire permet d'éviter que le même programme soit appelé de multiples fois, car l'utilisateur novice apprend à être patient. Et aussi audit programme d'afficher dans sa fenêtre de multiples éléments complexes, en paraissant plus rapide. Oui, on la fait paraître plus rapide en la ralentissant. Étonnant, non ?

Autre exemple d'effet placebo : Le fameux lien « cliquez ici pour vous désinscrire » présent sur les newsletters commerciales non sollicitées, où tu seras abonné de force par défaut si tu as eu le malheur d'être client chez CDiscount, Viadéo ou CanalSat.
Bien souvent, quand tu cliques ce lien, tu tombes sur un message « Comptez 3 à 4 jours avant que la désinscription soit effective ». Une version moins hypocrite dudit message dit « Une erreur interne empêche la prise en compte de votre action ».
Parce que oui, tu n'en seras jamais désinscrit, au mépris de tes droits devant la loi Informatique et Libertés. Juste que comme on te fait attendre 3 à 4 jours et tu as plus rien qui semble venir du même listing, on peut t'en relancer un mois plus tard sans que tu t'aperçoives de rien, puisque tu n'as aucune trace dans tes e-mails que tu as demandé une désinscription définitive. En UX, on appelle ça un dark pattern.

Un autre effet placebo, mais totalement manqué, ce sont les notifications Windows. Dans l'environnement de Microsoft, tu es continuellement bombardé d'infobulles et autres notifications. Clippy, le terrifiant trombone assistant de Microsoft Office fut loin d'être le plus encombrant de tous. Toutes ces notifications n'ont qu'un seul but : te faire croire que chacun des pourriciels que tu as chargé travaillent pour toi.

Eh ! T'as vu ? Je me suis mis à jour et j'ai même pas planté. Ah non, pardon, le processus WS412RSU.DLL vient de s'arrêter inopinément. Souhaites-tu envoyer un message de rapport de bug à l'éditeur ?

Lequel éditeur est noyé sous lesdits rapports, mais te faire envoyer un rapport de plantage te fait croire que tu participes à l'amélioration d'un logiciel commercial qui, ceci dit, t'étant installé dans ton dos, n'en a absolument cure de fonctionner parfaitement.

Les antivirus démontrent malgré eux le pire effet placebo : ils te donnent une fausse sensation de sécurité, surtout une fois que la voix féminine t'annonce fièrement que « La base antivirale VPS a été mise à jour. Eh ouais ! C'est moi qui l'ai fait... ». Sauf que les créateurs de virus testent leurs créations sur les antivirus. Logique : pour qu'un virus soit efficace, il faut qu'il leurre les protections. Et donc, une fois exploité le système d'exploitation si mal sécurisé ou la naïveté de son utilisateur, le premier acte du virus est de fausser le fonctionnement de l'antivirus. Ce que Bruce Schneier, spécialiste de la question, appelle le théâtre de la sécurité. Donc tu continueras à entendre la difficilement supportable annonce vocale d'une mise à jour réussie, alors que dans les faits, ton ordinateur est totalement compromis par le vilain créateur dudit virus.

Enfant du futur immédiat, je te rappelle que dans le monde numérique aussi, on joue avec ton esprit, avec ton subconscient, avec tes réflexes conditionnés. Parfois pour le bien de tous, parfois à ton issu, parfois involontairement et dans le mauvais sens.
Écoute Placebo, un groupe musical peu connu qui ne demande qu'à l'être et promis à un grand avenir. Marrant comme les gens ne se déplacent pas en foule quand on place l'expression « groupe musical peu connu » dans la phrase qui annonce le concert. Au moins, je pourrais avoir une place facilement pour ce soir, parce que oui, j'ai encore oublié d'acheter un billet pour leur concert...