Internet, c'est comme les jeux sur console, les jeux de rôles, le rock'n'roll, le train et l'imprimerie à leurs époques : un épouvantail qu'on ne comprend pas, mais qu'il est si facile de leur coller dessus tous les maux.
Tiens, en ce moment, les députés de l'Assemblée Nationale combattent sauvagement Internet qui est si dangereux parce qu'il est libre, et qu'on ne peut pas le soumettre comme le Minitel ou l'audiovisuel public.
Si encore l'incompétence flagrante (après tout, la technique informatique ne fait pas partie du métier d'un édicteur de lois) qui est démontré à chaque réplique dans les débats faisait rire, il n'y aurait pas de quoi hurler. Le problème, c'est que la loi en question, dite Hadopi, entraine de très dangereuses réductions sur les droits des citoyens à s'informer, et autorise un dangereux précédent : substituer le pouvoir judiciaire par une Haute-Autorité.
Plus on avance dans les dépôts d'amendement sur la loi Hadopi, qui est censé sauver la Culture, les jeunes filles des viols, les vieilles personnes des prisonnières espagnoles, et les banlieues des vidéos à la gloire d'Al-Qaeda, plus cela devient ubuesque, voire même kafkaïen.
Signez sans regarder
Malgré s'être faite tâclée plusieurs fois au niveau Européen, la riposte graduée est toujours d'actualité, alors qu'elle est toujours basée sur une technologie peu fiable (la liste d'adresses IP dans un tracker bittorrent), ce qui pourrait mener à de dramatiques faux-positifs. Et je ne parle pas uniquement de l'indépendant que je suis, je pense aussi à la mamie qui a les communications illimitées et qui du jour au lendemain n'aura plus de téléphone, même pas de services d'urgences.
C'est à se demander quels intérêts sont servis. Probablement de pays qui jalousent notre déploiement du haut-débit, ou d'importants intérêts financiers non-européens producteurs de divertissements, de systèmes d'exploitations et de logiciels de filtrages ? Probablement des intérêts qui ne veulent absolument pas que la France se modernise, trouve des solutions de croissance et d'emploi sur Internet. Des intérêts qui veulent limiter le nombre de concurrents dans ce vecteur de culture, d'information, de divertissement et de création. Des intérêts qui aimeraient tant que les points WiFi ne permettent l'accès qu'à une liste restreinte de sites pour entraîner une distorsion légale de la concurrence et de la liberté de s'informer.
C'est à se demander aussi qui représentent nos députés au sein de l'Hémicycle : les fourmis citoyens électeurs, qui n'ont pas forcément envie d'être pris pour ce qu'ils ne sont pas, c'est à dire des criminels avérés ou potentiels ou d'obscurs intérêts qui ne concernent que quelques cigales qui se trouvent fort dépourvues maintenant qu'elles n'ont pas prévu l'hiver.
C'est pas qu'on veut pas, mais on vous le fait savoir dans notre prix
Soyons clairs : je ne suis pas en faveur du piratage. Et en tant qu'utilisateur intensif du logiciel libre, je ne suis pas d'accord avec le tout gratuit. Chaque artiste, chaque auteur a le droit de valoriser comme il l'entend son œuvre. Mais il doit être mis en face des réalités du marché. Quand l'industrie de la sonnerie sur téléphone portable a démarré (je peux me vanter d'être parmi les 3 précurseurs du sujet en France), alors qu'il fallait qu'on négocie les droits, une major éditrice exigeait 1€ de droits par sonnerie vendue au public... 2€ (n'oubliez pas la TVA et les 50% pris par France Télécom).
Cherchez l'erreur, d'autant plus qu'on en était même pas à la sonnerie midi ou polyphonique, mais encore aux bips-bips monochromatiques du Nokia 3210.
Ces industries du Divertissement (excusez, j'ai du mal à employer le mot “culture” dans ces cas-là) ont eu un retard considérable au démarrage, s'y sont prises comme des manches, ont montré par les DRM qu'elles méprisent ceux qui consomment ces divertissements, ont laissé un monopole s'installer (celui d'Apple). Et se trouvent maintenant verrouillées par leurs propres cadenas.
Ces entreprises donc hurlent aux méventes des disques de leurs artistes, alors qu'elles sont elles-mêmes complices de les avoir laissés en libre écoute à la demande gratuite et intégrale sur MySpace. Pour connaître réellement l'étendue des ventes perdues par le piratage, il y avait une solution : La licence globale qui proposait un comptage effectif. Alors pourquoi l'avoir refusé, si ce n'est pour éviter que l'on ne s'aperçoive que le piratage ne serait pas le principal problème, mais aussi les canaux de diffusion et... disons-le... la qualité même de certains albums.
Car oui, ces majors (ou plutôt ces éditeurs d'œuvres de l'esprit) en réagissant avec retard et en refusant de revoir le modèle de business ont elles-même laissé s'installer des moyens de diffusions (légales ou non) qui leur échappent et qui remettent en question leur budget de fonctionnement.
Novlangue hadopienne
Et ces entreprises, les organismes qui les représentent et leurs partenaires publics semblent confondre (et faire entretenir une confusion volontaire) “gratuit” et “piratage”, “mp3” et “illégalité”, “technologie peer-to-peer” et “grande criminalité”, alors qu'elles-mêmes n'ont pas forcément tout blanc (ni d'ailleurs les mêmes députés gardiens de nos droits et devoirs)
Comme elles voient bien que les artistes commencent à gagner plus en créant leurs propres circuits plutôt qu'en passant par les leurs, ces entreprises font tout pour casser la presse à Gutemberg.
Je vous fais grâce de la confusion “vol” et “contrefaçon” qui est nettement plus inappropriée.
Mais de là à penser que les députés sont influencés par le fait que la femme de leur meneur de parti soit une artiste, je ne franchirais pas le pas de cette pensée naïve, alors faites comme si de rien n'était, et réfléchissez en votre âme et conscience :
Pourquoi proposer une loi qui a tout sauf une justesse et une raison d'être alors qu'il existe déjà un dispositif juridique concernant le piratage informatique et la contrefaçon d'œuvres de l'esprit ? Pourquoi absolument croire que le Législatif d'un petit pays peut plier à sa guise les bases techniques sur lesquelles sont construites un réseau d'information mondial ?
Pourquoi se rendre impopulaires et tuer à coup de ridicule sa carrière politique ?
Non, je ne suis pas un pirate
Écrire que les députés de l'Assemblée Nationale votent une loi sous influence est un propos qui ne peut se faire à la légère, et qui n'est pas sans conséquences puisqu'il pourrait être assimilé à une injure.
Mais en approuvant une loi qui considère chaque citoyen comme pirate potentiel, donc comme contrevenant, comme délinquant, comme criminel, il est évident que tout citoyen est en droit de se poser la question s'il est personnellement irresponsable au point que l'on doivent entraver ses droits naturels ou s'il se fait lui-même injurier par ce genre de législation.
Aujourd'hui, je drappe en noir mon site
Non, je ne suis pas un pirate.
Et non, même dans le titre de ce billet, je ne viole pas le copyright de l'excellente BD « Watchmen », il se trouve juste que la phrase d'origine a été écrite par Juvenal. Et pour information, oui, un artiste peu délaisser son œuvre volontairement. Par exemple le scénariste Alan Moore refuse que son nom soit associé à l'adaptation cinéma qui va sortir, comme pour le film « V pour Vendetta ». Il refuse même le moindre droit pécunier dessus.
Je crois qu'il serait malvenu de lui parler du respect des œuvres.
13 réactions
1 De Mitch 74 - 03/03/2009, 12:04
99% d'accord - sauf au niveau de la licence globale. En effet, celle-ci est injuste envers les 'petits', puisque seul le nombre global de téléchargements servira à répartir les droits d'auteurs touchés via cette licence globale (et faut pas se faire d'illusion, 95% des produits de cette licence atterrira dans la poche d'hommes d'affaires, pas d'artistes).
Non. Je refuse.
En plus, on risque les dérives, comme les téléchargements bidons pour faire monter les 'ratings' d'un morceau particulier: ça coûte rien et ça rapporte.
Donc, il faut facturer un morceau au téléchargement (si l'artiste veut effectivement être payé à la pièce) ou revenir à un niveau de financement parallèle: à vot' bon coeur m'sieur dames.
Tu me diras, ce n'est pas raisonnable: comment ils vont faire, Metallica et les autres, pour se payer leurs suites dans les palaces, et leurs limousines?
Ben, déjà, si tu supprimes les Majors, tu supprimes 95% des coûts de la production et promotion d'un album (ces coûts sont facturés à l'artiste); les nouvelles technologies permettent à tout un chacun de promouvoir et répandre les oeuvres de l'esprit, puisque le support est dématérialisé et le média directement accessible sans intermédiaire.
Tu me diras, oué mais et les frais de studio? OK, bon point - mais dans ce cas faudrait qu'ils servent à quelque chose! Quand tu considères la qualité médiocre (saturation) des enregistrements actuels, à quoi sert un studio? Purée, le dernier album de Metallica est tellement saturé que les vrais fans ont préféré acheter le dernier Guitar Hero, avec la même piste mais enregistrée correctement, que l'album!
Un véritable artiste fait de la musique parce que ça lui plaît; d'être récompensé pour la qualité de son travail devrait être directement lié à l'appréciation dudit travail. Au début, il n'y avait pas un gars entre l'artiste et l'auditeur qui te tendait la facture et prenait ses émoluments au passage: un patron de café payait un artiste pour jouer, ou l'artiste tendait sa gamelle entre deux morceaux. Les NTIC permettent un retour à ce système; les prestations annexes (concerts, jaquettes et livrets de CD) sont des services effectivement facturables qui apportent une valeur ajoutée indéniable, mais ces moyens sont par définition non piratables numériquement!
Si j'aime un morceau, j'achète l'album ou je vais au concert. Encore que maintenant j'hésite souvent, sachant le peu d'argent qui tombe réellement dans l'escarcelle de l'artiste dans ce cas; ou alors, je privilégie les petits éditeurs indépendants, lesquelles reversent effectivement une plus grande part du revenu à l'artiste, et n'ont pas de budgets de promotion déraisonnables. Si un film me plaît, je vais le voir au cinéma et/ou j'achète le DVD. De cette manière, j'ai acheté bien des DVDs de films que je n'aurais jamais vus sans les télécharger au préalable. Et comme les programmations TV sont de plus en plus pourries, le téléchargement est le seul système de diffusion efficace actuellement disponible pour se faire une idée d'une oeuvre avant son achat.
Où sont passées nos dernières séances, speaker(ine)s qui racontent l'histoire d'un film avant sa diffusion, toutes ces choses qui donnaient ENVIE d'avoir le film chez soi, pour le revoir quand on avait envie? Remplacés par des StarAcs et des BigDils.
Que les majors financent sur les CDs et DVDs achetés: donc un DVD piraté ne pourra pas servir à financer une StarAc 22, mais est quand même marqué en 'perte' et en 'artiste non payé' par les Majors.
Quand j'achète une oeuvre, je ne veux pas payer pour la StarAc; je ne veux pas payer pour des placards de pubs partout; je ne veux pas payer pour les frais d'hôtel d'un millionnaire en voyage de promotion. Si je pouvais faire un chèque directement à un metteur en scène, à des acteurs, à un scénariste, à un monteur ou un spécialiste des effets spéciaux, je le ferais. Mais les Majors refusent, car elles ont l'exclusivité d'exploitation du contenu, et interdisent aux artistes de toucher directement.
Le piratage diminuerait drastiquement si les artistes et les spectateurs pouvaient enfin se voir directement.
2 De Da Scritch - 04/03/2009, 10:56
http://linuxfr.org/2009/03/03/25103...
3 De da scritch net works - 19/03/2009, 19:16
Encooooore un classement métal
“Taxinominique”, ça ferait un chouette nom pour un groupe d'ambiant grindcore. Ou de hip-hop....
4 De da scritch net works - 03/04/2009, 11:04
Se protéger contre Hadopi
La loi Hadopi est passée. Comme désormais il faudra obligatoirement un logiciel sur chaque ordinateur pour être (provisoirement) protégé contre toute tentative de dénonciation calomnieuse, j'ai décidé de développer un logiciel officiel de...
5 De da scritch net works - 06/04/2009, 12:10
16 gus dans un hémicycle
S'il fallait résumer la loi Hadopi par une affiche. Une belle loi qui instaure les tribunaux d'exception privé, le filtrage de l'information et la suspension des libertés individuels sur la suspicion d'organismes privés. Parions qu'ils...
6 De da scritch net works - 09/04/2009, 23:44
Socialists Ninjas
10 derrière une colonne, et là, paf, le drame. Ne pas manquer les “explications” de ce fiasco....
7 De da scritch net works - 14/05/2009, 00:33
Artistes = Fascistes
Musiciens, acteurs, ... ils sont les enfants gâtés de la Démocratie. Gâtés pourris car ils viennent de faire voter une loi légalisant l'arbitraire et la justice expéditive. Tout ça pour leur petit confort. Et j'aurais du mal à mâcher mes mots...
8 De da scritch net works - 16/06/2009, 09:37
Hadopi, pwned : des flims vus on ne sait comment
Oui, parce qu'on la connaît, la citation du « train de tes injures [qui] roule sur le rail de mon indifférence », Mais moi, j'en connais au moins un qu'il l'a vraiment vu lors de son unique diffusion sur Canal+... sur un décodeur pirate ! Pas...
9 De da scritch net works - 24/07/2009, 22:16
“Artistes” ? Ouvrez les yeux !
Hadopi 2 est en pleine discussion devant l'Assemblée Nationale, et les soient-disant artistes qui m'ont reproché de les avoir traités de fascistes ne font toujours rien pour défendre la Démocratie. Même un chaton a plus de pertinence qu'eux....
10 De da scritch net works - 17/08/2009, 21:20
Comment accélérer internet
Tour d'horizon complet sur les différentes technologies qui permettent d'accélérer internet, et comment l'appliquer facilement chez le particulier....
11 De Dascritch depuis Twitter - 16/05/2011, 20:23
@avernois je suis naze : m'avais-je oublié ? http://dascritch.net/post/2009/02/26/Quis-custodiet-ipsos-custodes
12 De da scritch net works - 16/05/2011, 20:24
Sony, Playstation Network : Négligence caractérisée (1/3)
Regard d'expert ou réquisitoire d'un procureur ?...
13 De da scritch net works - 21/06/2012, 22:01
Fête de la Musique Illégale
J'emmerde les ayants-droits : je respecte les artistes, sauf les fascistes. Qu'ACTA disparaisse et ses séides. « Lead Breakfast ('Pulp Fiction' Remix) » par Fagottron « Bloom (Disney Remix) » par Fagottron « The Apocamix » par...